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​Pierre Génisson, Victor Julien-Laferrière et l’Orchestre Consuelo au Théâtre des Champs-Elysées – Mozart réinventé – Compte-rendu

 
Visages souriants, musiciens heureux de rejoindre leur pupitre ; l’attitude des membres de l’Orchestre Consuelo en dit long sur l’état d’esprit de la formation créée par Victor Julien-Laferrière en 2019. Et l’ouverture de Nozze di Figaro par laquelle commence le programme s’inscrit dans le droit fil de cette entrée en scène. Que d’esprit, d’impatience, d’élan, le jeune chef obtient-il de ses troupes : tout l’esprit de la Folle Journée est là !
 

Pierre Génisson © Emma Picq
 
Prégnante et amicale humanité
 
Organisée à l’occasion de la sortie du disque « Mozart 1791 », que Pierre Génisson a enregistré chez Erato accompagné par le Concerto Köln (dir. Jakob Lehmann), la soirée fait la part belle à la clarinette, avec d’abord le Concerto en la majeur KV 622. Une partition archi-célèbre que le soliste parvient à littéralement réinventer. Pour ce faire, il peut compter sur la magnifique clarinette de basset spécialement mise au point par Buffet Crampon pour le projet « Mozart 1791 ». Moins puissante qu’une clarinette traditionnelle, elle offre une rondeur de son, une palette de nuances et des registres bien définis que l’interprète exploite avec une poésie et un sens du phrasé admirables. Rien ici du dernier-concerto-de-Mozart-qui-va-bientôt-mourir, pas un gramme d’amidon testamentaire, mais tout au contraire un hymne à la vie que le soliste délivre avec la complicité d’un orchestre et d’un chef (et n’oublions pas le remarquable premier violon d’Axel Schacher !) qui jouent à plein la carte chambriste avec un grand raffinement des coloris. Pour un résultat d’une prégnante et amicale humanité.
 

Fibre mozartienne
 
A la baguette autant qu’à l’archet, Victor Julien-Laferrière manifeste sa capacité à conduire – à respirer – la phrase jusqu’à son terme ; Pierre Génisson a pu continûment compter sur cette qualité pour toujours aller au bout de ses intentions. Quant à la Symphonie n° 38 « Prague », elle ne convainc pas moins sur ce plan. Gestuelle fluide, élégante, extrêmement naturelle ; implication totale à tous les pupitres : le jeune maestro obtient le meilleur de ses musiciens. Dans les mouvements vifs, il sait ne pas forcer inutilement les contrastes dynamiques et mise beaucoup sur le travail du timbre. Quant à l’Andante, la tendresse qui s’en dégage en dit long sur la fibre mozartienne du chef.
 
Fibre mozartienne et sens du théâtre. Après l’ouverture des Nozze, les trois transcriptions (par Bruno Fontaine) pour clarinette d’airs d’opéra donnent vraiment envie d’entendre Victor Julien-Laferrière dans une fosse lyrique. Complicité et plaisir contagieux distinguent à nouveau la relation avec Pierre Génisson dans « Voi che sapete », « Una donna a quindici anni » et «  Come scoglio ». Pas de paroles certes, mais que de vocalité et de justesse de caractère dans cette manière de faire.
 

Pierre Génisson et Karine Deshayes © DR
 
Sur un nuage
 
Tout Mozart peintre de l’âme humaine est là, comme dans le « Parto, parto » de la Clemenza di Tito que Karine Deshayes (qui a pris part à « Mozart 1791 » pour trois airs de l’ouvrage précité) vient offrir au côté de Pierre Génisson au moment des bis. Vibrant dialogue de la voix et de l’instrument à vent, avant ce que ce dernier ne s’unisse à la mandoline de Julien Martineau pour une délicieuse Sérénade de Don Giovanni. La réexposition de l’Adagio du Concerto KV 622 referme la soirée, sur un nuage ...
 
Alain Cochard
 

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 6 décembre 2023
 
Photo © DR

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