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Pierre Fouchenneret, Victor Julien-Laferrière et l’Orchestre Consuelo au Festival de La Chaise-Dieu 2025 – Risquer la beauté – Compte-rendu

Boris Blanco n’aura pas attendu pour rendre clairement lisible sa signature sur la programmation du Festival de la Chaise-Dieu.(1) Un projet très ouvert à la nouvelle génération d’interprètes s’est en effet vite affirmé avec, côté chambriste, le lancement de « Génération Chaise-Dieu » et, pour ce qui concerne le symphonique, la mise en route de l’intégrale des symphonies de Beethoven par Victor Julien-Laferrière qui, selon le directeur général, témoigne de « la volonté de confier à un immense artiste dont le chemin de chef d’orchestre ne fait que commencer le répertoire le plus exigeant qui soit » – une entreprise dont le label b. records garde la mémoire.
Après les Symphonies nos 1, 2 et 4 en 2023, 5, 6 et 8 en 2024, l’édition 2025 aura vu le chef se confronter aux nos 3 et 7 au cours de deux programmes donnés à vingt-quatre heures d’intervalle, le premier associant l’ « Héroïque » au Concerto pour piano n° 3 sous les doigts de Yulianna Avdeeva, l’autre la Symphonie en la majeur au Concerto pour violon de Brahms.
Un magnifique chambriste ...
On a souvent l’occasion d’apprécier les exceptionnelles dispositions de Pierre Fouchenneret pour la musique de chambre – une soirée au Festival de Prades le 31 juillet dernier nous a d’ailleurs donné l’occasion de saluer le fervent dialogue qu’il y nouait avec l’archet de Victor Julien-Laferrière – chef en devenir qui n’en reste pas moins l’un de nos plus considérables violoncellistes – et le piano d’Audrey Vigoureux. Programme qui se concluait par un Trio de Ravel d’une puissance dramatique proprement inouïe. (2)

© Vincent Jolfre
... et un soliste de premier ordre !
A force de louer Fouchenneret le chambriste, on en finirait par oublier l’évidence. Il est de bon ton, et point infondé, de remarquer que, par rapport au violoncelle, la France est moins gâtée côté violon. Raison de plus pour ouvrir les oreilles et constater, tout simplement, que Pierre Fouchenneret est l’un des très grands solistes d’aujourd’hui ; un musicien consommé, un virtuose de premier ordre, certes, mais plus encore, l’un des archets les plus artistes qui se puissent trouver. Il en a offert la preuve aux côtés de Victor Julien-Laferrière dans un Opus 77 qui l’a montré engagé corps et âme, avec le concours d’une baguette très complice.

© Vincent Jolfre
Quand la musique renaît
On ne peut que rendre les armes face au mélange de maîtrise et d’abandon avec lequel Fouchenneret aborde cet ouvrage archi-rebattu. Dans la vastité de l’abbatiale Saint-Robert, que le violoniste sait prendre en compte, tout chante, tout respire. Vraie chair vivante, sa sonorité – au grain si particulier, comme venue d’une autre époque – saisit l’auditeur. Maîtrise et abandon, oui, et plus encore aptitude à rejeter le lisse et le confortable pour risquer à chaque mesure la beauté de la partition de Brahms, avec un lyrisme et une intelligence du phrasé admirables. Mille fois entendu, le Concerto en ré majeur renaît avec une ferveur inspirée et vous tient en haleine jusqu’au terme d’un finale aussi humain que jubilatoire. Une réussite à laquelle le fait que le chef soit aussi un instrumentiste à archet n’est sûrement pas étranger ...

© Vincent Jolfre
Enthousiasme collectif
C’est là une excellente préparation à la seconde partie de soirée, qui voit Victor Julien-Laferrière s’emparer de la 7e Symphonie de Beethoven – et permet de juger d’une évolution très positive en matière de direction. Il n’est que de regarder les visages des membres de l’Orchestre Consuelo, parmi lesquels de jeunes musiciens côtoient des collègues plus aguerris tels que le remarquable clarinettiste Julien Chabod, pour percevoir le bonheur de partager la musique qui anime la formation. Le chef peut se nourrir de cet enthousiasme collectif, la netteté de ses attaques imprimant une irrésistible énergie à l’interprétation (avec un Adagio qui ne s’enlise jamais), vraie explosion de lumière dans la majestueuse architecture de l’abbatiale.
L’intégrale ses Symphonies par l’Orchestre Consuelo parviendra à son terme en 2027 à La Chaise-Dieu avec la 9e, présentée dans le cadre du bicentenaire Beethoven.
Alain Cochard

(1) Lire l’ITV de Boris Blanco : www.concertclassic.com/article/une-interview-de-boris-blanco-directeur-general-du-festival-de-la-chaise-dieu-nous-avons
(2) www.concertclassic.com/article/pierre-fouchenneret-victor-julien-laferriere-audrey-vigoureux-jeunes-talents-and-friends-au
59e Festival de La Chaise-Dieu – Abbatiale Saint-Robert, 26 août 2025
Photo © Vincent Jolfre
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