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Philippe Bianconi en récital à Gaveau – Entre secret et feu

Chopin, Debussy et Schumann font depuis toujours partie de l’univers de Philippe Bianconi. On se rendait confiant à Gaveau, certes, mais le bonheur n’en a pas été moins grand de vérifier une fois de plus les profondes affinités de l’interprète avec ces trois auteurs.
 
Musique quintessenciée, folklore réinventé dans un exil définitif, les trois Mazurkas op. 59 ouvrent le programme avec pudeur et noblesse, avant que les jeux de lumière de l’ondoyante Barcarolle n’envoûtent l’oreille : l’évidence et le secret semblent se tenir la main ... Dans la continuité de cet Opus 60, Bianconi se refuse à tout tape-à-l’œil, tout « déballage » virtuose dans un Scherzo n°3 souterrain et fantasque, servi par une palette infiniment nuancée.
 
Elle montre toute son étendue à nouveau dans les Estampes de Debussy d’une poésie aussi aérienne qu’évocatrice – mention spéciale pour La soirée dans Grenade, véritable rêve éveillé. Et toujours ce parfait sens des caractères qui guide l’interprète, là comme dans six des Préludes du 2ème Livre, au sommet desquels on placera Les fées sont d’exquises danseuses, stupéfiante leçon d’alchimie sonore.
 
Le Carnaval de Schumann s’était fait rare dans les programmes de Philippe Bianconi depuis quelques années : sa présence en seconde partie de soirée peut-être perçue comme la manifestation d’une envie de retour au compositeur allemand. C’est le bon moment !, se dit-on en goûtant une interprétation irrésistible d’élan, de vie, de tendresse et de feu ; un Schumann que le pianiste ose avec plus de couleurs et de tension harmonique qu’autrefois. Pour le plus grand bonheur du public qui avait répondu nombreux à ce rendez-vous.
 
Alain Cochard
 
Paris, salle Gaveau, 3 décembre 2015

Photo © Bernard Martinez

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