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Phaéton de Lully selon Eric Oberdorff à l’Opéra de Nice – Cirque du soleil – Compte-rendu
Avec Armide, Phaéton est peut-être l’opéra de Lully qui a connu le plus de productions scéniques à l’époque moderne. Ressuscité en 1993 à l’Opéra de Lyon, dans une mise en scène/chorégraphie signée Karine Saporta, remonté en 2018 à Versailles par Benjamin Lazar, Phaéton connaît à présent une troisième incarnation grâce à l’Opéra de Nice. Pour assurer un lien avec Akhnaten donné en début de saison, le spectacle d’Eric Oberdorff a pour décor la même plate-forme tournante conçue par Bruno de Lavenère, vaste piste ronde qui évoque d’abord celle d’un cirque, d’autant que le prologue, très sombre, est surtout occupé par les évolutions d’acrobates parmi des rideaux noirs. Le reste du spectacle, bien qu’assez austère au départ, convainc davantage : il laisse se déployer les admirables dialogues de Quinault magnifiés par Lully, avec quelques tableaux particulièrement réussis, comme l’apparition de Protée au premier acte, tous les ballets étant assumés par des membres de la Compagnie Humaine (dont le directeur, Eric Oberdorff, est au départ danseur et chorégraphe).
Succédant à Marc Minkowski et à Vincent Dumestre (sans oublier Christophe Rousset, qui l’a dirigé en concert et enregistré), Jérôme Corréas doit composer avec certaines contraintes, qui ne sont pas non plus sans conséquences importantes pour les chanteurs : si le continuo est formé d’artistes appartenant à son ensemble Les Paladins, c’est l’Orchestre Philharmonique de Nice qui est dans la fosse, autrement dit, des instruments modernes, d’où une sonorité un peu inhabituelle dans les passages orchestraux (dès l’ouverture, on sent bien cette différence, mais on s’y fait très vite). Le chef parvient néanmoins à insuffler la pulsation souhaitable aux nombreuses danses qu’inclut la partition. L’exercice est un peu plus délicat pour le chœur de l’Opéra de Nice, peu familier de ce style de musique, et qui est de plus confronté au diapason élevé imposé par un orchestre moderne. A titre de comparaison, dans la production de 2018, par exemple, pratiquement tous les personnages féminins étaient interprétés par des mezzo-sopranos !
Il en résulte pour certains solistes une réelle tension dans l’aigu. Ce n’est apparemment pas un problème pour Mark Van Arsdale, dont la voix s’épanouit dans cette tessiture de haute-contre à la française, devenue ici encore un peu plus extrême. Ce n’est manifestement pas un souci non plus pour Jean-François Lombard qui, dans un format moins héroïque, montre une grande aisance dans ses différents emplois, y compris sur le plan théâtral. Cela empêche en revanche Deborah Cachet d’être toujours intelligible car, même pour cette fort belle Théone, il n’est pas simple de déclamer son texte à cette hauteur, et à un débit souvent assez soutenu, qui plus est. Touchante Liby, Chantal Santon-Jeffery ne paraît pas du tout gênée, elle, et l’on regrette que son rôle ne soit pas plus développé. Mais ce diapason met clairement en difficultés Aurelia Legay, surtout dans le prologue : la chanteuse semble désormais avoir du mal à contrôler ses notes les plus aiguës autant qu’on le voudrait. Moins de problèmes pour les clés de fa, sauf peut-être pour Frédéric Caton, pour qui le bref rôle de Saturne dans le prologue s’inscrit un rien trop haut. Gilen Coicoechea prête à Epaphus un timbre d’une richesse appréciable, tandis qu’Arnaud Richard, que l’on aimerait décidément entendre dans des rôles de premier plan, est un Protée admirable d’expressivité et de noirceur.
Laurent Bury
Lully : Phaéton - Opéra de Nice, mercredi 23 mars ; prochaines représentations le 25 et le 27 // opera-nice.org/fr
Photo © Eric Oberdorff
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