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Peter Stein met en scène Lulu à Lyon - Tout Lulu

1979 : le public du Palais Garnier n’en croit pas ses oreilles, ni ses yeux, Lulu est présentée complète, Friedrich Cerha a restitué, puis incarné le troisième acte. Ce qui était demeuré une œuvre tronquée devient un chef-d’œuvre dans toute son ampleur, durée du temps dramatique enfin révélée, destins véritablement accomplis : la finitude de Wedekind était rejointe par celle de Berg.

Certains ont crié au scandale, alors même que Pierre Boulez, défiant en général envers les achèvements – il dit aujourd’hui encore ne pas vouloir toucher à la 10e de Mahler selon Cooke – adoubait lui-même le projet, conscient qu’une toute nouvelle œuvre s’inscrivait au répertoire. Avouons que pour nous, Lulu sans le troisième acte selon Cerha n’est plus Lulu. La plupart des théâtres ont pris acte de cette nouvelle version qui redonna à l’œuvre une seconde jeunesse.

Lulu complète, avec son troisième acte de déglingue financière tellement dans l’actualité (et qui finit au ruisseau, parabole vérifiable chaque jour un peu plus dans notre monde bientôt post-capitalistique), vient hanter la cage noire de l’Opéra de Lyon du 20 avril au 2 mai. Serge Dorny a soigné sa femme fatale en la confiant à Laura Aikin, interprète majeure du rôle et l’une des deux Lulu absolues de l’heure (l’autre étant Christine Schäfer) dont on a encore la silhouette idéale dans l’œil, et l’incarnation musicale dans l’oreille, pour la trop froide régie de Willy Decker hélas. Gageons que Peter Stein, lecteur attentif de « L’Esprit de la terre » et de « La Boîte de Pandore » saura rendre toute la complexité du personnage inventé par Wedekind comme pour régler son compte à toute une époque.

Belle équipe, où l’on note l’inoxydable Schigolch de Franz Mazura - c’était le Docteur Schön mais plus encore le Jack l’éventreur de la création à Garnier - Robert Wörle dans les professeurs, prince et autre silhouettes, et le très attendu Schön de l’excellent Stephen West, sans oublier la Geschwitz d’Hedwig Fassabaender. Le nouveau maître des lieux, Kazushi Ono, semble tout indiqué pour pousser l’orchestre foisonnant et élégant de Berg dans ses derniers retranchements, là où le drame paraît, inéluctable. Assurément l’un des événements majeurs de cette saison d’opéra, on ne voudrait le manquer pour rien au monde.

Jean-Charles Hoffelé

Alban Berg : Lulu (version en trois actes) - Opéra de Lyon les 20, 22, 24, 26, 28, 30 avril puis le 2 mai 2009

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Photo : DR
 

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