Journal

Peter Rösel en récital aux Concerts de Monsieur Croche (salle Gaveau) – Le retour d’un maître – Compte-rendu

Les Concerts de Monsieur Croche ne sont pas adeptes des choix passe-partout. Après avoir inauguré la saison dernière avec Vladimir Feltsman, Yves Riesel a cette année fait appel à un artiste encore plus rare en France : Peter Rösel (né en 1945). Il y a près de quatre décennies que le pianiste allemand ne s’était pas produit en récital à Paris ... Pourtant son nom est connu grâce à des disques proprement incontournables pour tous les amoureux de piano : des Beethoven, des Brahms, des Schumann, des Rachmaninov aussi. Cette splendide intégrale (avec le Sinfonie-Orchestre Berlin et Kurt Sanderling) des quatre concertos de l’auteur des Cloches – l’une des plus belles du catalogue – rappelle que l’art de Rösel se nourrit de la grande tradition du piano russe (il a étudié en URSS auprès de Bashkirov, Oborin et Semlianski).
 
© Les Concerts de Monsieur Croche

Tous ses enregistrements traduisent une démarche exigeante et sans concession ; d’un bout à l’autre, elle aura aussi singularisé, au plus haut point, un programme rassemblant trois « derniers » ouvrages : la Sonate en mi bémol majeur n° 62 Hob. XVI. 52 de Haydn, la Sonate n° 32 de Beethoven et la Si bémol majeur de Schubert.  
L’évolution des modes d’exécution, le développement de la pratique du pianoforte nous ont accoutumés à des Haydn différents de celui-ce mais, dès l’Allegro initial, dans un tempo retenu, on est pourtant pris par la plénitude du son, la présence du chant, la vie intérieure que l’artiste imprime au texte. Pas un seul instant, le résultat ne se départit de ces qualités jusqu’à un étonnant finale où Rösel démontre que son art procède d’une impressionnante conscience – et maîtrise ! – de la forme.

Une non moins convaincante illustration en est offerte par l’Opus 111 de Beethoven, abordé avec une simplicité absolue, un rejet radical de l’effet. Fouillée – quel art de la pédale –, évidente, aussi caractérisée que fluide dans l’enchaînement des variations du second volet, pareille approche porte le sceau d’un immense maître.
Sonates ultimes ? Ne comptez pas sur Peter Rösel pour le pathos testamentaire ! La Sonate D. 960 de Schubert préfère cultiver – avec quel naturel ! – une simple et humaine poésie au terme d’un récital que referment deux bis (Beethoven et Schubert). Une grande soirée de musique "dont on sort nourri", nous glisse un auditrice attentive : on ne saurait mieux dire ...
Prochain rendez-vous des Concerts de Monsieur Croche à Gaveau ce 4 décembre pour le grand retour de Françoise Thinat en récital dans des pages de Fauré, Debussy, Lenot et Chopin !

Alain Cochard

Paris, Salle Gaveau, 7 novembre 2019 //
Récital de Françoise Thinat le 4 décembre : concertsdemonsieurcroche.com/concert/francoise-thinat-piano/

Photo © Les Concerts de Monsieur Croche

Partager par emailImprimer

Derniers articles