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Paris - Compte-rendu - Werther à la Bastille, version baryton - Triomphe de Ludovic Tézier


Excellente surprise que ce passage de la version ténor à la version baryton du Werther de Massenet pour la fin de la série à l'Opéra Bastille. D'aucuns pouvaient redouter un manque de brio. Vaines craintes quand il s'agit d'un Ludovic Tézier au sommet de son art : insolente égalité vocale, projection exemplaire, timbre superbe, aigu facile. Dans ce très brillant Werther, se profile déjà le grand Marquis Posa du Don Carlo de Verdi qu'il nous promet au même endroit la saison prochaine ! Il entre aussi parfaitement dans la vision du metteur en scène Jürgen Rose venue de Munich dont Jean-Charles Hoffelé a bien dit ce qu'il y a à en dire.

La grande victoire de Ludovic Tézier est de ne pas nous faire regretter ses collègues ténors dans la fameuse ballade d'Ossian (« Pourquoi me réveiller, O souffles du printemps... »). Il ne la doit pas seulement aux magnifiques couleurs de sa voix, mais plus encore à son intelligence musicale. A cela s'ajoute - et ce compliment s'adresse désormais à l'ensemble de la distribution - une prononciation si irréprochable qu'elle fait vraiment sourire quand on constate que les surtitres sont uniquement en français alors qu'on aurait mieux fait de penser aux malheureux anglophones perdus dans ce vaudeville franco-français !

La présence de Ludovic Tézier vient en effet unifier définitivement la distribution en lui conférant une vraie couleur française si essentielle dans cette musique. Car les quelques éléments « étrangers » que comporte le plateau sont merveilleusement intégrés grâce à leur merveilleuse articulation. Et d'abord, la formidable Susan Graham qui ne cherche pas à dépouiller le personnage royal de la Didon des Troyens de Berlioz qu'elle incarna comme personne, dans la bourgeoise Charlotte transfigurée par un amour qui la dépasse en la submergeant. La mezzo américaine trouve en Ludovic Tézier un partenaire à sa mesure.

Mais ni l'un ni l'autre n'écrasent le reste de la distribution au sein de laquelle chacun est à sa juste place, à commencer par le Bailli du grand Alain Vernhes, chantre de notre école de chant. L'irruption d'un baryton en place du ténor vedette a entraîné l'arrivée sur la scène de la Bastille d'un autre baryton français, Franck Ferrari pour incarner le mari cocu, le pauvre Albert. Il incarne magnifiquement cet anti-Werther, à la fois falot, sanguin et généreux. Un autre Français est descendu dans la fosse d'orchestre, Jean-François Verdier, clarinettiste solo de l'Opéra de Paris, qui s'est victorieusement saisi de la baguette de chef.

Jacques Doucelin

Opéra Bastille, 24 mars.

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Photo : Bernd Uhlig / Opéra national de Paris

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