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Paris - Compte-rendu : Une coupe pour Davis


Au lendemain d'une soirée très "parisienne" et fortement médiatisée (Le Chevalier à la rose dirigé par Christian Thielemann avec Renée Fleming), le TCE n'a pas craint d'enchaîner les événements en affichant Berlioz dirigé par Colin Davis. La longue et fascinante histoire qui lie le chef britannique au compositeur français depuis tant d'années, s’est une fois encore vérifiée, avec l'exécution de Béatrice et Bénédict, ultime ouvrage de Berlioz, créé à Baden-Baden en 1862.

A plus de 80 ans, Colin Davis demeure l'immense maestro que l'on connaît, ardent défenseur d'un répertoire dans lequel il excelle par la cohérence de son propos, l'intelligibilité de sa vision, la science du détail et la profusion des timbres. Si le grand homme a sans doute perdu de l'énergie qui l'animait autrefois (l'ouverture manque d'un soupçon de flamme et de relance dans l'annonce des thèmes principaux), il a gagné en lyrisme, en douceur et en intimité, obtenant des musiciens de l'Orchestre National de France des climats aux sonorités uniques, ineffable "Nocturne" à la fin du 1er acte, et aux contrastes saisissants, grâce à d'infimes changements de tempo et à une pulsation qui n'appartient qu'à lui. Qu'il s'agisse d'allégresse, de réflexion, ou de sentiments plus personnels qui dévoilent alors la personnalité de Berlioz (ses échecs amoureux, son amertume par rapport à sa situation d'artiste, sa tristesse de père...) tout est extrêmement senti, pensé, tant dans la construction architecturale que dans le développement de chaque scène, l'orchestre en perpétuelle mouvance oscillant de la symphonie, à la musique de chambre, empruntant jusqu'au style populaire (et comique), avec le plus grand naturel.

Face à un tel foisonnement de rythmes et de couleurs, on regrette la platitude des dialogues parlés, pourtant retravaillés par Jean-Louis Martinoty, dispensés ici avec une certaine maladresse (et un fort accent texan !) par le couple vedette : Charles Workman et Joyce DiDonato. Le premier campe un Bénédict bondissant, mais au français difficilement compréhensible - ce qui n'était pas le cas de son Renaud dans Armide de Gluck avec Minkowski (Archiv - 1996) - et de surcroît avec un timbre et des aigus élimés ("Je vais l'aimer"). La seconde est une délectable Béatrice, rôle qu'elle a abordé sur scène à Houston avec Colin Davis la saison dernière, dont on admire la souplesse de l'instrument, la discipline technique et la suavité du grain de voix, notamment dans le magistral aria du deuxième acte, "Il m'en souvient", interprété avec élan et poésie à la manière d'une Von Stade (dans son récital dirigé par John Pritchard en 1976 - Sony).

Nathalie Manfrino (Héro), pourtant française, n'a pas une diction irréprochable, ce qui compromet la clarté de son air "Il va venir", par ailleurs entaché d'une raideur d'accent qui disparaît heureusement à l'acte 2. Sa complicité vocale et musicale avec la mezzo Elodie Méchain, parfaite Ursule, est à son comble lors du duo "Nuit paisible, nuit sereine" prolongé à l'infini sur un fil de voix, à mesure que baissait l'intensité des lumières de la salle.

Dans le rôle de Somarone, pédant maître de chapelle sicilien, Jean-Philippe Lafont est d'une présence et d'une truculence qui font plaisir à voir (et à entendre), solidement entouré par Jean-François Lapointe (Claudio), Nicolas Cavallier (Don Pedro), Christophe Fel, Bruno Sermone et Vincent Deniard. Un concert attachant qui se donnait à nouveau le 7 février.

François Lesueur

Berlioz : Béatrice et Bénédict. Théâtre des Champs Elysées, le 5 février 2009.

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Photo : DR

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