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Paris - Compte-rendu : Rien ne trouble les vrais pro

Paris a bien failli être privé d’un des plus beaux concerts de la saison pour cause de grève des ferries entre Douvres et Calais transportant les instruments de l’Orchestre de la Radio bavaroise en tournée européenne. Si les musiciens étaient bien à l’heure au Théâtre des Champs-Elysées après avoir voyagé en Eurostar, les camions n’arrivèrent avenue Montaigne que peu avant 20 heures, et encore parce que Dominique Meyer, le directeur de la salle, avait remué le ciel jusqu’à l’Elysée pour obtenir une escorte policière entre Calais et Paris !

Pas de répétition, pas de « raccord » donc pour nos Bavarois et leur patron, le grand chef letton Mariss Jansons. C’est risqué dans un lieu dont on n’a pas l’habitude. Pas pour ces professionnels aguerris qui ont plongé avec un naturel confondant dans le bain du Prélude de Lohengrin, où le jeune Wagner invente le grand style qui caractérisera ses épopées lyriques à venir. Joli paradoxe que le fils de Parsifal précède ainsi son père dans l’opéra consacré au Chevalier au cygne. La lisibilité des lignes le dispute aux envolées lyriques. Les instrumentistes font bientôt patte de velours pour accompagner les Wesendonck Lieder interprétés par la mezzo japonaise Mihoko Fujimura, ces Nuits d’été du dieu de Bayreuth. Voix pleine et égale, d’une musicalité constante : triomphe mérité.

Après l’entracte, Jansons impose un saut dans le temps avec la Symphonie n°1 « Titan » de Mahler dont il fait un pur jaillissement. Gommés les flonflons et les relents de guimauve au profit d’une profondeur de sentiment et d’une fraîcheur de printemps. Un chef-d’œuvre (re)naît sous nos yeux dans la parfaite osmose entre chef et musiciens divinement complices. Ah, ces solos de contrebasse, de violoncelle et de hautbois. Ce chef a la grâce : au bout d’une grande heure qu’on n’a pas vu passer, orchestre et public mêlés l’acclament dans un unanimisme poignant. Un des sommets de la saison musicale.

Jacques Doucelin

Théâtre des Champs-Elysées, dimanche 9 mars 2008

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Photo : DR
 

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