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Paris - Compte-rendu : Mireille Delunsch classique et romantique


Les Rumeurs, ces manifestations qui entourent à l’Opéra Comique, chaque mois, l’opéra au menu, en constituent l’accompagnement idéal. Ainsi du récital donné le 20 mars par Mireille Delunsch accompagnée par le Cercle de l’Harmonie de Jérémie Rhorer en écho au Zampa de Hérold. A peine de retour de Lyon où elle vient de créer le nouvel opéra de Peter Eötvös, notre diva s’attaque donc aux « Premières héroïnes romantiques » comme dit le programme. C’est en fait une promenade à travers tout le quart de siècle qui a révolutionné l’art lyrique presque autant que l’ordre social français, entre 1774 et 1807 !


Iphigénie en Tauride et Eurydice illustrent la fameuse réforme de Gluck qui influença tant Mozart durant son ultime voyage à Paris en 1778. Suivent deux airs du magnifique Amadis de Gaule de Jean-Chrétien Bach, vrai jumeau de Mozart celui-là. On se réjouit que le Festival d’opéra de Beaune l’ait inscrit au menu de l’une de ses prochaines éditions.

Après l’entracte, la soprano française qui ne s’est jamais départie de cette rigueur classique qu’elle met en toute chose et qui sied tout particulièrement aux œuvres de cette période de transition se confronte à la terrible Médée de Cherubini et à la redoutable Vestale de Spontini avant de chanter en bis un air des Bayadères de Catel, l’un des professeurs de Hérold au Conservatoire de Paris. Sa projection et sa diction parfaite lui permettent de sortir victorieuse de la confrontation avec les premières fureurs du romantisme européen. Au-delà de Rossini, Bellini, Donizetti et même Berlioz se profilent à l’horizon à travers une virtuosité nouvelle.

Sans chercher à jouer les grandes tragédiennes lyriques Mireille Delunsch met tout son art à délivrer une leçon de style, ou plutôt d’évolution des styles, accompagnant en cela le travail du chef et de son orchestre d’instruments anciens. Mais elle qui a tout chanté, de la Poppée de Monteverdi à Lady Sarashina du Hongrois Peter Eötvös en passant par Donna Elvira du Don Giovanni de Mozart et La Traviata de Verdi, possède suffisamment de souplesse pour aborder tous les styles.

Si l’ancien assistant de William Christie se montre plus ouvert que son maître dans Zampa, les instruments du Cercle de l’Harmonie, eux, sont datés et entre un cor solo qui canarde insolemment dans la 2e Symphonie de Hérold et un violon solo qui se prend pour un vielleux sorti des Maîtres sonneurs de George Sand, c’est une harmonie toute relative qu’ils nous font entendre… L’authenticité, c’est bien, mais encore faut-il rester authentique jusqu’au bout en suivant aussi l’évolution de la lutherie qui a accompagné celle du style : se figer sur l’instrumentarium du XVIIIe siècle est aussi idiot que de jouer sur des instruments trop modernes… Il faut savoir choisir. Gardiner et Herreweghe l’ont bien fait en créant des orchestres du début du XIXe siècle.

Jacques Doucelin

Opéra Comique, Salle Favart, Jeudi 20 mars

Programme détaillé de l’Opéra Comique

Photo : DR

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