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Paris - Compte-rendu - Les Fées de Wagner au Châtelet - Rose et prémices
Devenir ce que l’on est ? Excellent programme, mais cela prend tout de même un peu de temps. Des Fées, premier opéra achevé de Wagner, nul n’entendit une note du vivant du compositeur car toujours il s’y opposa. Vint la postérité du génial Richard et, de la même façon qu’on se penche sur les brouillons d’un écrivain ou sur les croquis d’un peintre, on s’intéressa aux Fées – dont la création se tint le 29 juin 1888 à Munich. Quant à la première représentation scénique de l’ouvrage en France, elle aura attendu ce joli début de printemps 2009.
Un excellent enregistrement dirigé par Wolfgang Sawallisch nous renseigne depuis longtemps déjà sur la nature d’un ouvrage où les influences de Weber avant tout, mais aussi de Marschner et de Mozart, sont très présentes. Les Fées ne sont pas exemptes de longueurs, mais se révèlent néanmoins attachantes et riches de prémices. On guettait donc avec curiosité la production mise en scène par Emilio Sagi sur la scène du Châtelet. Bilan contrasté.
A l’Acte 1, le maillon le plus faible de l’ouvrage, correspond la partie la plus décevante du spectacle - entre kitch total et banalité (la faute d’abord aux costumes « cheap » et laids de Jesus Ruiz) - d’autant que ce n’est pas la direction d’acteur d’Emilio Sagi ou plutôt… son absence qui compense quoi que ce soit. On touche là à l’un des principaux points faibles de la production. N’imaginez cependant pas l’ensemble du spectacle à la manière de ce commencement très « Priscilla, folle du désert » - mais si vous appréciez le genre rose a gogo, patientez jusqu’à la fin du III : vous ne serez pas déçu ! L’Acte II, partie la plus contrastée et la plus solide du point de vue dramatique de la partition, est traitée avec plus de sobriété (tout est relatif, il va de soi…), hormis l’apparition d’Ada devant une tête poupée géante sur fond ? Rose : gagné !
Acte III banal et plan-plan à souhait avec son lustre géant qui n’a d’autre raison d’être là que d’avoir chu du plafond : dommage car d’un point de vue musical ce volet comporte les aspects les plus « pré-wagnériens », si l’on peut dire, de l’ouvrage et eût mérité un traitement autrement inventif.
Sans nous bouleverser, Christiane Libor affronte le rôle d’Ada avec un bel aplomb vocal et des moyens techniques impressionnants (il faut toutefois attendre le II pour qu’elle donne la pleine mesure de ses possibilités) et l’on aimerait la retrouver dans un grand rôle du répertoire. Le costume d’Arindal est bien trop ample pour William Joyner qui peine face aux redoutables aigus de sa partie - mais reconnaissons-lui de faire face avec intelligence à sa périlleuse situation. Hormis ce cas, Les Fées du Châtelet apparaissent d’abord comme une réussite vocale et le reste de la distribution appelle beaucoup d’éloges. On a particulièrement apprécié la Farzana de Salomé Haller, qui forme une jolie paire de fées avec la Zemina d'Eduarda Melot. Belle et fraîche Drolla de Judith Gauthier, irrésistible au II lors du duo avec le Gernot de Laurent Naouri – un épisode plein de réminiscences de La Flûte enchantée. Lina Tetruashvili campe pour sa part une convaincante Lora. Nicolas Testé se montre parfait en Roi des fées et en Groma, tandis que chaque réplique de Laurent Alvaro (Morald), d’une santé vocale et présence scénique remarquables, est tout simplement à marquer d’une pierre blanche.
A la baguette, Marc Minkowski témoigne d’une évidente empathie avec le langage du jeune Wagner. Le geste est ample, enthousiaste, mais dans certains passages que l’on souhaiterait plus aériens, transparents, wébériens en un mot, le trait se révèle parfois un peu trop marqué, le temps un brin trop appuyé. Confrontés à une partie d’orchestre redoutable, les Musiciens du Louvre-Grenoble ont fort faire - des fêlures se font entendre ici où là… -, mais manifestent d’un bout à l’autre un indéniable engagement.
Très gros succès public au terme d’un spectacle imparfait mais que l’on ne regrette en aucun cas d’avoir pris le temps de découvrir. Sachons gré au Châtelet de nous en avoir donné l’occasion.
Alain Cochard
Wagner : Les Fées –Paris, Théâtre du Châtelet, 4 avril 2009
> Programme du Théâtre du Châtelet
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Photo : DR
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