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Paris - Compte-rendu - Et la nostalgie ? Tristan et Isolde à la Bastille


On est retourné voir le Tristan de Peter Sellars, pas celui de Bill Viola. Sa pollution hamiltonienne et pourtant misérabiliste s’est comme dissoute dans le spectacle très simple, émouvant, que le metteur en scène fait quasiment sur le proscenium et même dans la salle à la fin du I.

Il est probable que cette production disparaisse avec l’arrivée de Nicolas Joël, alors qu’il aurait suffit de la débarrasser de ses encombrantes vidéos pour la redécouvrir. Mais au fond on ne regarde plus le travail laborieux de Bill Viola, d’autant que Waltraud Meier est maintenant parfaitement entrée dans l’épure voulue par Sellars. L’actrice naturelle compense l’effacement progressif de la cantatrice : il est temps qu’elle dise adieu à Isolde après presque un quart de siècle de bons et loyaux services. Aigus à peine marqués, justesse souvent délicate, voix captive, manque chronique de projection, et un « Mild und Leise » chanté très bas, c’est terminé, mais voir encore le visage de cette Isolde, c’est déjà beaucoup.

Pas de consolation à espérer de Clifton Forbis, baryton plutôt que ténor, qui a les notes mais les pousse comme elles viennent, sans un seul phrasé de toute la soirée. Qu’est-il arrivé à Alexander Maro-Buhrmester ? Comment son beau Kurwenal est-t-il devenu à ce point en voix de bois et pauvre d’expression ? Ekaterina Gubanova tient le cap de sa Brangäne un peu froide mais élégante, loin derrière le souvenir que nous avait laissé Yvonne Naef lors des premières séries de représentations. Et l’on aimerait au fond retrouver en Brangäne des vraies mezzos sombres et non de fausses sopranos.

Franz-Josef Selig reste égal à lui même, noble et douloureux, phrasant avec des luxes de subtilités, jamais furieux, toujours blessé et compatissant. Pourquoi Sellars ne lui a-t-il pas rendu le baiser que Tristan lui donnait à la création de la production ? Tout continue pourtant de l’indiquer dans sa mise en scène.

Mais ce qui fait défaut à ce Tristan, et aussi d’ailleurs à la morne illustration de Bill Viola, c’est l’orchestre minéral et maritime tout à la fois de Salonen. Semyon Bychkov, musical et attentif au I, sans passion et sans poigne au II et délité au III (plombé par un cor anglais inconséquent et particulièrement laid) ne ressuscitait aucun souvenir. La grâce ne venait durant cette soirée nostalgique que du berger et du junger Seeman de Bernard Richter, phrasé, chanté avec un lyrisme si touchant. C’était tout.

Jean-Charles Hoffelé

Richard Wagner : Tristan et Isolde, Opéra Bastille le 18 octobre, puis les 21, 26 et 30 novembre et le 2 décembre 2008

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Photo : DR

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