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Paris - Compte-rendu d'opéra : Vidéo et vérité



La Damnation de Faust selon Robert Lepage se projette à nouveau à la Bastille.
La Damnation de Faust n’appelle pas stricto sensu une mise en scène. Robert Lepage a conçu sur les mots et les notes de Berlioz un spectacle à part entière, dont la frontalité entraîne naturellement le recours à une utilisation quasiment « mélièsque » de la vidéo . A mesure que l’on voit et que l’on revoit cette production crée en 2001, on en apprécie de plus en plus la poésie prenante, les inventions circonstanciées, le subtil agrégat de naïvetés et d’ironies, les moments de suspension surréelle (la fabuleuse divagation en barque sur l’Elbe, avec son Faust rédimé temporairement par le fleuve, un rien gâchée par un câble couinant hélas). Mais ce spectacle illustratif demande une perfection dans la mise au point qui fait parfois défaut : ainsi la chevauchée aux enfers souffrait d’un décalage sur certaines vignettes entre le galop du cheval et la situation des figurants en silhouette : revers de la médaille d’une technique exigeante à la mesure de la virtuosité requise par Lepage.

Une fois encore, les acrobates et les danseurs se surpassaient, parfaitement synchronisés (sinon les espacements dans le défilé cadencé de la Marche hongroise). En fosse Patrick Davin refuse à l’orchestre de Berlioz ses inventions déroutantes, ses éclats (Marche hongroise ternissime), son caractère visionnaire, remplaçant la poésie des épisodes lyriques par une lecture trop effacée et parfois sentimentale. Il est trop tard pour le Faust de Sabbatini, et ce malgré ses efforts incontestables de diction : vibrato omniprésent, aigus arrachés, ligne de chant hachée, à peu près l’enfer.

Mais où est donc passé le grand ténor à la française dont Berlioz a tant besoin tout au long de ses ouvrages lyriques, de Faust à Benvenuto en passant par Enée ? En grande forme et avec sa diction toujours aussi percutante Van Dam campait un Méphisto inquiétant et patelin à la fois, toujours aussi unique. On n’espérait pas tant de présence et de style de la Marguerite de Michelle de Young. Elle tire de la Ballade des accents morbides et réussit particulièrement D’une ardente flamme, soignant autant qu’elle le peut son français et osant dans les syncopes une projection à la limite du malaise. Si vous n’avez pas vu cette production, ne tardez pas, malgré le résultat musical assez mitigé.

Jean-Charles Hoffelé

Hector Berlioz, La Damnation de Faust, Opéra Bastille le 24 juin, puis le 28 juin et les 1er et 4 juillet.


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Photo : Eric Mahoudeau/Opéra de Paris

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