Le Quatuor Diotima, qui tire son nom d’une œuvre de Luigi Nono longue d’une quarantaine de minutes (Fragmente-stille, an Diotima), ne s’effraie pas des œuvres hors norme, hors gabarit. Les musiciens de cette formation désormais bien établie l’ont encore montré à l’occasion de ce deuxième rendez-vous de la saison de l’Ircam autour du quatuor.
Véritable morceau de bravoure, les Sonatas pour quatuor à cordes de Brian Ferneyhough, créées à Royan en 1968, ne le sont pas tant par leur durée – environ trois-quarts d’heure, soit sensiblement autant que le Quinzième Quatuor de Beethoven – que par leur diversité d’expression. L’écriture fragmentaire fait éclater la notion de mouvement au sens de parcelles closes de temps musical mais contribue à l’éclosion d’un mouvement général, une stimulation des résonances qui s’établissent d’un fragment à l’autre. L’interprétation remarquablement fluide du Quatuor Diotima rend parfaitement intelligible le déroulement de cette écriture « en archipel », d’une impressionnante richesse stylistique, où transparaît un certain romantisme, sensible notamment dans le chant du violoncelle de Pierre Morlet.

Auparavant, le quatuor avait donné la première audition de la version longue du premier quatuor, Here, Not There de Frédéric Durieux (né en 1959), une œuvre dont il avait créé la version initiale en mars 2007. Comme les tableaux du peintre Barnett Newman à qui elle rend hommage, l’œuvre alterne les séquences (vives ou apaisées, très contrastées ou à l’unisson, les instruments joués en pizzicato ou col legno ou au contraire avec de grandes longueurs d’archet) tout en évoluant par paliers vers une animation motivique qui peut rappeler certaines pages de Boulez telles que Messagesquisse. Le dispositif électronique, relativement simple, reposant sur les sonorités transformées du quatuor, spatialise la musique tout en laissant vivre le son des instruments sur scène.

Jean-Guillaume Lebrun

Paris, Ircam, jeudi 5 février 2009

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Photo : Guy Vivien