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Paris - Compte-rendu de concert : Signature de Maître



Tous les vrais amateurs de piano guettent les apparitions de Philippe Bianconi sur les scènes françaises – trop rares. Refrain connu : l’étranger fait bien plus honneur que la France à l’art de l’un de nos plus remarquables pianistes. Il est toutefois des exceptions : la série Les Solistes aux Serres d’Auteuil a ainsi eu la bonne idée de convier Bianconi. Fin de dimanche fraîche et pluvieuse… On va vite l’oublier, grâce au bain de poésie radieuse dans lequel l’interprète nous plonge des les premières notes de son récital.

La simplicité, l’humanité qui distinguent Philippe Bianconi appartiennent aussi à son jeu. Adieu les chipotailleurs, les précieux, les tournicoteurs de manches ! Le piano de Bianconi parle vrai et convie l’auditeur à un moment de partage.
Fascinante porte ouverte sur la modernité, le trop négligé Prélude op 45 de Chopin ouvre le programme. Plénitude, rondeur de la sonorité : d’emblée Bianconi montre qu’il apprivoise l’acoustique de la serre (très belle mais néanmoins particulière). Aux miasmes dans lesquels elles patauge souvent, la Barcarolle op 60 préfère la beauté du chant et l’interprète en conduit la progression dramatique avec autant de sûreté que d’intelligence.
D’aucuns ont parfois de Bianconi - mais l’ont-ils jamais vraiment écouté ? – l’idée d’un pianiste peu trop sage. Cette Barcarolle, tout comme le Scherzon°4 op 54, mené avec un panache et une autorité qui ne cédaient jamais rien à l’esbroufe, avaient de quoi bousculer bien des préjugés...

Avec quel aplomb le pianiste enlève-t-il les coruscantes Dos formas del tiempo du compositeur argentin Martin Matalon ! Elles servent de transition vers Debussy dont la musique se révèle très à son aise dans l’acoustique de la serre. Bianconi en tire d’ailleurs profit, n’hésitant pas à affirmer une conception très orchestrale de pages telles que Cloches à travers les feuilles, Poissons d’or ou Feux d’artifice. Le contrôle de la palette sonore n’en demeure pas moins parfait, comme en témoignent les subtils dosages de timbres dans Les Fées sont d’exquises danseuses ou La terrasse des audiences.
Deux bis, chaleureusement réclamés par l’auditoire : Jardins sous la pluie – une pièce de circonstance ! - , traités avec une myriade de couleurs, et l’Etude op 25 n°1 de Chopin, miracle de lyrisme épuré. Elle faisait figure de signature au bas d’un programme impeccablement construit. La signature d’un Maître.

Alain Cochard

Serres d’Auteuil
25 juin

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Photo : DR

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