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Paris - Compte-rendu - Concert-Lecture de Pierre Boulez

L’orchestre de l’Opéra Bastille renoue cette saison avec le concert symphonique : heureuse initiative qui suffit à rappeler que cette formation demeure la meilleure phalange symphonique de Paris. Mais aussi virtuose que soit l’orchestre, des décalages dans les pupitres de cordes durant le Concerto pour orchestre de Bela Bartok soulignaient la nécessité de construire un répertoire.

Dans certaines œuvres, les réflexes ne suffisent pas, et même avec le sémaphore de Pierre Boulez on peut s’égarer. La scène exige une cohérence des pupitres que la fosse produit naturellement : elle n’était pas au rendez-vous. A cela s’ajoute l’acoustique dispersée de la Bastille, qui laisse l’orchestre s’étioler.

Pour Le Chant du Rossignol qui ouvrait le concert, Boulez refusa net de considérer l’ambiguïté de l’œuvre. Commencés avant le Sacre, repris et achevé après lui, l’opéra comme la suite d'orchestre forment un trait d’union entre le Stravinsky ensorcelé par l’orchestre de Rimsky, toute la première partie, et celui qui regarde déjà vers un hiératisme annonciateur de la période néo-classique. Dirigeant comme avec une plume, exigeant de l’orchestre le plus de légèreté possible, Boulez rejetait toute sensualité, toute opulence et cela jusqu’au contre sens.

La mélodie de trompette de la romance, désincarnée, fascinait et introduisait à l’interminable péroraison, véritable musique de la mort que Boulez s’ingénia à raréfier. Même sous sa direction implacable, les études de rythmes enchaînées par Chronochromie n’en finissaient pas d’avouer leur vacuité. Ce Messiaen là a vieilli, s’écoute sans attention, s’oublie. Parmi toutes les œuvres de Bartok, le Concerto pour orchestre est toujours celle qui a le plus ouvertement résisté à Boulez. Que ce soit avec Vienne, avec Londres, avec Chicago ou avec le National et aujourd’hui encore avec Bastille, il ne parvient pas à en faire émaner la moindre atmosphère.

Ce fut encore le cas hier soir : on avait la fâcheuse impression d’assister à une lecture d’orchestre et guère à une interprétation. Au fond, seule sa gravure discographique avec le Philharmonique de New York impose sa version virtuose et lisse. Pourquoi ne revient-il pas plutôt à l’intégrale du Mandarin Merveilleux, qu’il a abandonnée au concert depuis si longtemps ?

Jean-Charles Hoffelé

Concert de l’Orchestre de l’Opéra de Paris et de Pierre Boulez, Opéra Bastille, le 8 décembre 2004

Photo : Opéra de Paris / DR.
 

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