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Paris - Compte-rendu : Capriccio cherche Comtesse

Ce fut le spectacle des Adieux de Hugues Gall, pensé dangereusement par Robert Carsen pour Renée Fleming. La sophistication de l’ensemble allait comme un gant à cette cantatrice reine du glamour que Paris fête avec constance mais qui nous laisse toujours un peu nauséeux. Pourtant, dans cette production cousue main pour elle, elle faisait merveille, exception qui confirmait la règle. La reprise avec une autre protagoniste a simplement enlevé tout le lustre des premières séries de représentations, même si le petit miracle d’émotion du finale, lorsque le décor s’envole aux cintres, reste toujours aussi magique.

Solveig Kingelborn n’a rien d’une Comtesse, sinon le physique : en voix pointue, en timbre rêche, sans une once de legato et sans plus d’esprit, d’apartés, de sous entendus dans les mots : cela tient presque du contre emploi. Workman en méforme élime les « enflammements » de Flamand et pèche par une justesse toute relative. Comme Kringelborn il sauve son personnage par sa prestance physique ; Olivier pâlichon et très peu sonore même pour Garnier de Tassis Christoyannis, La Roche sans caractère, sans flamme – ce monologue en pompe et sans la moindre raillerie – presque inexistant pour tout dire, de Jan-Hendrik Rootering, surtout pour ceux qui auront entendu ici les subtilités de Kurt Moll où la grande leçon de magister de Ridderbusch, décidément altri tempi.

On se remboursait avec les comprimari : formidable Clairon de Soffel, troupière absolue de Munich qui connaît sa Legris de Latude sur le bout des doigts, et fait exactement le théâtre qu’il faut : vif, une pointe salonnard, très Noailles. Emouvant Monsieur Taupe de Robert Tear, le seul rescapé de la production originale, parfaits Diener luxueusement distribués (Bridges, Gnidii, Misiuda, Delhourme, pardon de ne pas tous les citer) et tenus par Jérôme Varnier qui campe de sa haute stature et de sa basse noble un Haushofmeister plus aristocratique que sa patronne, chanteur splendide qui met dans son allemand impeccable une théorie de sous-entendus. De tous c’était lui qui avait le mieux saisi l’esprit de Strauss, avec Olaf Bär, frérot bon vivant qui va s’encanailler sans atermoiements avec sa Clairon. Il faudra surveiller Juan Francisco Gatell, dont le ténor vaut mieux qu’un emploi buffo.

Problème majeur : l’orchestre. Pas une fusée, pas une saillie, un jeu étale, éteint, qui d’ailleurs prenait l’eau, et le plateau complètement mécanique alors avec lui, lors des deux grands octuors qui sont le sommet virtuose du Strauss tardif – Capriccio ne l’oublions pas est une comédie de salon écrite à l’ombre d’Auschwitz, ce que Carsen souligne en faisant paraître à la suite de Clairon un officier de la Gestapo ; l’allusion à Arletty est d’ailleurs un peu trop voyante. Pourtant, Hartmut Haenchen retrouvait le bon tempo et les couleurs exactes lors de la scène finale, porté par la pure magie d’un vrai moment de théâtre qui nous a encore fait retenir notre souffle.

Jean-Charles Hoffelé

Richard Strauss : Capriccio, Palais Garnier, le 8 septembre, puis les 11, 14, 17, 20, 23, 26, et 28 septembre

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Photo : Opéra de Paris
 

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