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Paris - Compte-rendu : Attention forte femme ! ?


L’œil influence toujours l’oreille. Exemple entre mille : la frêle silhouette de la Finlandaise Susanna Mälkki, jeune patronne de l’Ensemble intercontemporain, ne saurait cacher un grand chef… Erreur sur toute la ligne chers amis !

A preuve le dernier programme qu’elle vient de diriger à la tête de deux orchestres, le sien et celui des jeunes du Conservatoire voisin, et qui a révélé un sacré tempérament. Car il n’est pas donné à tout le monde d’effacer les coutures entre des professionnels chevronnés et des apprentis. Cet amalgame aussi parfaitement réussi que dans l’armée de Carnot, a illuminé les deux œuvres extrêmes de la soirée, les désormais classiques Six Pièces pour orchestre de Webern rayonnantes d’un lyrisme qu’on ne leur connaissait pas et Photoptosis de Bernd Alois Zimmermann à la modernité intacte depuis que cet extraordinaire chef-d’œuvre fut commandé à l’auteur des Soldats pour célébrer en 1968 le centenaire de sa Caisse d’épargne.

Si le style de cette explosion de couleurs et de timbres reste sériel, ce que Zimmermann a baptisé Prélude est dans la descendance directe des grands Poèmes symphoniques de Richard Strauss. Deux ans juste avant le suicide du malheureux compositeur, l’œuvre porte, peut-être inconsciemment, les stigmates des événements qui secouèrent l’Europe en ce joli mois de mai. Cet énorme bouillonnement de couleurs expressionnistes zébrées de rayons de soleil aura encore besoin de décanter avant qu’on en puisse distinguer plus clairement les traces. Mais Susanna Mälkki a plongé impétueusement dans cette coulée de lave qu’elle a soulevée avec une autorité rare.

Entre ces deux sommets symphoniques, le chef a dirigé trois extraits du Wozzeck d’Alban Berg que chantait l’admirable Angela Denoke qui passera du rôle de Marie à celui de Kundry dans le nouveau Parsifal de l’Opéra Bastille le 14 mars(1). La nombreuse assistance qui emplissait l’auditorium n’a regretté que la brièveté de ces extraits. Suivaient en création française Blue Poles du jeune Autrichien Reinhard Fuchs qui a pâti de la proximité de tels chefs-d’œuvre. Il en parut sage et traditionaliste. On ne fait pas la révolution tous les jours !

Jacques Doucelin

Cité de la musique, 29 février 2008

(1) Date sur laquelle elle remplace exceptionnellement Waltraud Meier.

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Photo : Maarten Vanden Abeele

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