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Paris - Compte-rendu - Adieux tempérés, ultime concert de James Conlon avec l’Orchestre de l’Opéra de Paris

Pour les amateurs de productions scéniques, ce sera donc avec l’Otello sans grâce d’Andréi Serban que Conlon aura pris congé de cette fosse de la Bastille où il fut si souvent âprement discuté. Sans doute voulu-t-il mette un dièse à ces premiers adieux en revenant à Garnier pour un au revoir avec ce Château de Barbe-Bleue version concert, espérant renouveler le bonheur resté dans toutes les mémoires de ses Maîtres Chanteurs.

Dans les ors de Garnier, le beau fond de scène, avec ses oiseaux dorés laissait présager le meilleur, mais dés que Conlon fit timidement murmurer ses violoncelles, le malaise d’installa, ou plutôt l’absence de malaise. Le château est une œuvre géniale mais qu’il faut aider. Le constant « nuit et brouillard » dont il l’enveloppa l’affadissait considérablement, et ce ne sont pas trois crescendos monstrueux qui purent prétendre incarner le drame existentialiste de Balazs. La tension doit être partout, dès les premières mesures, et ne plus quitter l’auditeur : c’est du Murnau, on doit normalement s’étouffer dans son fauteuil, réfréner des cris, frôler la folie, avoir sans cesse la tentation de fuir. On se retrouvait en train de compter les minutes.

Ramey, très digne, impérieux et glacial, autoritaire mais jamais inquiétant, et Jeanne-Michelle Charbonnet, discrète et peu concernée par cet antre des tortures où l’a conduite son ravisseur, poussaient un peu plus loin l’ennui. Toute la dramaturgie du Château réside en un conflit où chacune des parties est aussi dangereuse l’une pour l’autre. C’est un immense chantage à deux personnages d’égal pouvoir. L’enjeu véritable du drame ne trouva pas son issu durant cette soirée, Conlon s’ingéniant à faire retomber l’essence du conflit en soignant des pianissimos jamais habités, et la péroraison, malgré ses belles couleurs mordorées ouvrait sur un vide où ni Barbe-Bleue ni Judith ne trouvaient leurs métamorphoses.

En seconde partie, une Sinfonietta de Janacek sans caractère, souffrant d’une disposition orchestrale maladroite (on aurait aimé avoir les trompettes jouant des balcons, pour recréer l’effet de musique en plein air voulu par le compositeur), convainquait un public trop heureux de fêter celui qui des saisons durant su mener avec ses moyens l’ère Gall à un niveau honorable. Nous verrons si Sylvain Cambreling et Gérard Mortier feront aussi bien ou mieux.

Jean-Charles Hoffelé

Opéra Garnier, Paris, le 18 juin 2004.

Photo: DR
 

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