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Norma à l’Opéra de Toulon - Le grand jeu - Compte-rendu

L’aventure de l’opéra tel qu’il se vit aujourd’hui ressemble à un feuilleton. Après les errements géographiques, historiques, stylistiques, voire musicaux du périssable Aïda présenté à l’Opéra Bastille, voici que Norma voyage elle aussi, mais avec infiniment moins de prétention, et de ce fait plus d’efficacité. Du pays des druides et de leurs forêts, la mise en scène du vénitien Massimo Gasparon, habitué de l’Opéra de Toulon, la conduit vers un orient hindouiste: il place donc au milieu de la scène, au lieu du traditionnel pilier d’Irminsul, un énorme autel central sur lequel trône une Kali aux multiples bras, portée par l’Aigle romaine, et surmontant le YinYang. Le compte est bon.

On a donc, face aux cuirasses mauves des occupants - mais cuirasses quand même - garnies de gracieux voiles flottants, utiles pour les effets d’escalier, des prêtres en orange - lama, surmontés de l’emblématique coiffure tibétaine, qui prend soudain un air gréco-romain. Le tout sur fond de colonnades bien blanches, dessinées comme des maquettes. Avec des attitudes hiératiques qui évoquent des images de BD (Bellinix?), et donnent à l’œuvre la pointe d’humour qui n’est guère sa caractéristique. Adalgise et Norma, elles, demeurent académiques, passant du blanc au bleu et au pourpre, leurs silhouettes rendues musicales par leurs drapés mobiles.

L’œil est sauf, mais on admire surtout le pari osé par l’Opéra de Toulon, car le rôle-titre est bien sûr vertigineux et ne permet pas l’à peu près. Norma est sans filet, et peu se risquent sur cette corde raide. Il faut donc féliciter la vaillance, le large phrasé - oublions la diction - de Hiromi Omura, aux aigus impeccables et à la forte présence. Certes le Casta diva est un peu raide, et la voix a eu besoin de se dorer au cours de l’action, certes la gestique peplum est forcée, mais elle emporte le pari, malgré la faiblesse de ses vocalises, et on entend chez elle, autant que Norma, une évidente Turandot.

Pollione étant fatigué - ce qui se comprend face à ces deux démons femelles -, on n’a sans doute pas pu apprécier à sa juste mesure la voix claire et la belle ligne de chant de l’albanais Giuseppe Gipali. Il n’a pourtant pas démérité et a su se montrer émouvant, ce qui n’était pas le cas de Stella Grigorian, Adalgise au timbre assez ingrat. Et quel Oroveso superbe que celui campé par Taras Shtonda, dont la couleur vocale n’est pas sans rappeler celle d’un certain Tito Gobbi ! Quant à l’Orchestre de l’Opéra, amoureusement cravaché par Giuliano Carella, il a déployé lyrisme et réactivité, faisant magnifiquement ressortir les cantilènes belliniennes, notamment dans les passages dévolus au seul orchestre - admirable introduction du 2e acte.

  «  Le temps passe, la mélodie reste » (proverbe juif).

Jacqueline Thuilleux

Bellini : Norma-Toulon, Opéra, du 22 au 27 octobre 2013

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Photo : Frédéric Stephan
 

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