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Norma au Festival Castell Peralada 2013 – Une grande Norma est née - Compte-rendu

Depuis June Anderson, dernier monstre sacré à s'être illustré avec bonheur dans le rôle belcantiste suprême, les grandes titulaires de Norma se font rares. Succédant aux contestables Gruberova et Bartoli, l'américaine Sondra Radvanovsky fait figure d'exception et sa présence en Catalogne dans le cadre enchanteur du Festival de Peralada méritait à elle seule le déplacement.

Nous ne nous étendrons pas sur le spectacle minimal, pour ne pas dire minimaliste de Susana Gomez, mise en espace améliorée où règne l'épure (plateau nu, lumières sommaires, mobilier économe, silhouettes ou groupes aux poses statufiées et gigantesque disque lunaire), dans une Gaule abstraite où les personnages évoluent en costumes et robes du soir. Car assister à Norma, c'est avant tout espérer pouvoir entendre une interprète hors normes, supérieure en grâce, en autorité, en révolte et en passion, capable de défier toutes les difficultés d'un rôle écrasant qui ne supporte pas la médiocrité.
Avec sa voix large et vigoureuse, Sondra Radvanovsky aurait pu se contenter d'être la plus belle verdienne de sa génération. C'était sans imaginer que sa formation et son attirance pour le bel canto, la conduiraient également à se produire avec succès dans des œuvres antérieures au style plus ornementé, preuve que sa grande flexibilité vocale avait aussi sa place chez Donizetti (Lucrezia Borgia, Anna Bolena) et Bellini, dont elle aborde pour la première fois Norma à Oviedo (d'où provient la production présentée à Peralada) en 2011. A quelques semaines de ses débuts dans le rôle au Metropolitan de New York, la cantatrice n'a pas hésité à reprendre cet opéra, dont la fréquentation ne peut être qu'un atout pour qui veut totalement s’en imprégner et percer toute la complexité, pour une unique soirée et en plein air de surcroît. Son expérience, son goût et sa connaissance des règles qui régissent le bel canto sont d'indispensables outils qui lui permettent de relever le défi permanent imposé par ce rôle.

Dès son entrée en scène, et malgré la direction au tempo précipité et sans âme du chef Carlo Montanaro, Sondra Radvanovsky apporte une dimension, une couleur singulière à son personnage et livre un chant à la technique scrupuleuse, au timbre prenant et à l'aigu ruisselant, rehaussé par une ligne au modelé ferme. Aussi juste dans les récitatifs où se lisent la noblesse et la fierté de l'héroïne, que dans les airs qui révèlent davantage sa féminité, celle-ci offre une prestation digne d'éloge. Attentive aux moindres inflexions, piani, filati, glissandi, graves et vocalises comblent l'auditeur, respectueuse des plus infimes indications de la partition, elle est splendide du « Casta diva » extatique, au déchirant « Teneri figli », en passant par le trépidant trio du 1er acte couronné par un retentissant ré naturel, jusqu'à son éclatante ascension au bûcher. Sa consécration new-yorkaise s'annonce sous les meilleurs auspices et sera certainement commentée dans de nombreuses tribunes.

La présence aux côtés d'une artiste de cette envergure de Josep Bros, ténor finissant, chevrotant sans complexe son Pollione, est à déplorer, à l'image de celle de l'OBC (Orchestre symphonique de Barcelona et National de Catalogne), dont les sonorités revêches et l'articulation déficiente ne répondent que partiellement aux exigences de l’écriture bellinienne. Carlo Colombara est heureusement là pour défendre dignement la stature du Grand Prêtre Oroveso, secondé par la jeune mezzo russe Marina Prudenskaya, qui remplaçait Ekaterina Gubanova, encore gauche scéniquement, mais dont l'Adalgisa frémissante, à la voix égale sur tout le registre et aux inflexions suaves, donnent envie de suivre l'évolution.

François Lesueur

Bellini : Norma – Peralada (Espagne), 6 août 2013

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Photo : ©Josep Aznar
 

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