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Nicholas Angelich, Paul Daniel et L’Orchestre National Bordeaux Aquitaine au 7ème Festival L’Esprit du Piano – Majestueuse simplicité – Compte-rendu
Au rendez-vous chaque automne depuis 2010, le Festival L’Esprit du Piano de Bordeaux a pris toute sa place dans le paysage musical bordelais, son succès public l’atteste. Thierry Fouquet, ancien directeur général de l’Opéra de Bordeaux, avait vu juste en nouant un partenariat entre la maison dont il avait la charge et le festival de piano conçu par Paul-Arnaud Péjouan avec le précieux soutien de la Fondation BNP Paribas. Il ne s’était pas trompé non plus en faisant le choix en 2013 de Paul Daniel - « perle rare », nous confiait-il à son propos en 2015 (1) – pour la direction musicale de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine.
A l’opéra comme au concert, au disque aussi, les occasions auront été nombreuses de souligner les progrès énormes accomplis par l’ONBA depuis l’arrivée du maestro britannique. Le rajeunissement que (à l’instar de toutes les formations de la « génération Landowski ») la phalange bordelaise connaît depuis quelques années s’est conjugué à l’enthousiasme d’un artiste aussi courtois que profondément exigeant dans la mise en œuvre de ses choix musicaux. Et le résultat est là, splendide ; on a pu s’en convaincre une fois de plus lors du concert que l’ONBA donne chaque année dans le cadre de l’Esprit du Piano.
Beethoven est l’unique héros de la soirée, d’abord avec l'hommage que lui rend le compositeur australien Brett Dean (né en 1961) dans Testament, une pièce courte (≈ 15’) en forme de scherzo – lieu d’affirmation du génie beethovénien s’il en fut ! – dont le foisonnement réussit particulièrement à Paul Daniel et ses musiciens, d’une précision et d’un engagement sans faille.
Paul Daniel et Nicholas Angelich © Stéphane Delavoye
Testament offre un excellent prélude au Concerto « L’Empereur » pour lequel Nicholas Angelich (photo) prend place au clavier. Accord introductif de l’orchestre, cadence du soliste : modèle d’énergie domptée, l’entrée en matière augure du meilleur. On repense à l’admiration immense qu’Aldo Ciccolini (1) éprouvait pour son ancien élève... Ampleur du propos, plénitude « arrauienne » de la sonorité : le Concerto op. 73 se déploie sous ses doigts avec une majestueuse simplicité et un élan qui doivent beaucoup aussi à la complicité entre chef et soliste. Quant à cet art du chant, cette découpe et cette conduite de la ligne dans l’Adagio, cette flamme sans une once d’esbroufe du finale, ils portent la signature d’un des plus grands pianistes de notre époque. On aimerait que son « Empereur » trouve place dans la collection ONBA Live-Musicales Actes Sud ...
Choix original, Paul Daniel a décidé d’occuper la seconde partie de la soirée avec la musique de scène d’Egmont, dont on n’entend en général que l’ouverture. Un texte de Leslie Kaplan, dit avec émotion et conviction par Marcial Di Fonzo Bo, fait la liaison entre les dix numéros de la partition et permet de se remémorer les épisodes principaux de la pièce de Goethe. La soprano Chloé Briot interprète avec poésie et sensibilité les deux lieder glissés par Beethoven dans le cours de son ouvrage (les nos 2 « Die Trommel gerühret » et n° 5 « Freudvoll und leidvoll »), tandis que Paul Daniel exploite tout la force suggestive de la musique (la magnifique désolation de la « Mort de Klärchen »...), sans jamais forcer le trait ni céder à l’emphase ou au clinquant (belle "Symphonie de victoire" conclusive) .
Un programme très longuement applaudi ; le public parisien aura pu le savourer deux jours plus tard à la Philharmonie de Paris dans le cadre d’ «Orchestres en fête ».
Alain Cochard
Bordeaux, Auditorium, 17 novembre 2016
Photo (Nicholas Angelich) © Stéphane Delavoye
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