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Nice - Compte-rendu - Le tour de force d’Annick Massis


Dans le maquis des différentes éditions des Contes d’Hoffmann dont la partition a brûlé en 1887, le metteur en scène Paul-Emile Fourny a opté pour un compromis entre plusieurs versions afin de donner un sens dramatique à une œuvre que le compositeur voulait « sérieuse ». Privilégiant toujours la musique avec un classicisme de bon aloi (les rideaux de scène se transforment au fil de l’action), il sait intéresser par de petites touches très suggestives et une subtilité sans effets.

L’ensemble de la distribution se révèle d’une grande homogénéité : les trois actes acquièrent une unité renforcée non seulement par la scénographie, mais surtout par la prestation étonnante d’Annick Massis qui réalise un véritable tour de force dans l’interprétation des trois rôles féminins (Olympia, Antonia et Giulietta) ainsi que dans celui de Stella, incarnation in fine en une seule personne des trois héroïnes. Malgré une légère indisposition, la soprano française, dont on ne comprend pas les raisons pour lesquelles elle est si peu présente dans notre pays, donne vie à la fois théâtrale et vocale aux différents caractères des personnages. Impressionnante de facilité en Olympia mécanique à souhait, d’une fragilité émouvante en Antonia, d’une sensualité presque sophistiquée en Giulietta, elle donne à tout instant une sensation d’accomplissement par sa prestance ainsi que par la virtuosité et la grâce de son approche. Difficile de percevoir qu’elle n’est pas, durant cette soirée, en pleine possession de ses moyens !

A ses côtés, Lucas Lombardo possède la chaleur de timbre d’Hoffmann, et son engagement rappelle à plus d’un titre les ténors de légende grâce à la souplesse et aux qualités de nuances dont il fait preuve. Diabolique à souhait, le Croate Giorgio Surian possède la noirceur propre aux quatre rôles (Lindorf, Coppélius, Dr Miracle et Dapertutto) mais se montre plus à l’aise dans le registre grave, et la mezzo Juliette Mars, à la diction toujours impeccable, apporte au personnage omniprésent de Nicklausse cette note de fraîcheur et d’humour qui sont la signature d’Offenbach.

A la tête de l’Orchestre de l’Opéra, le jeune chef Emmanuel Joël-Hornak, qui aime visiblement cette partition, ne force jamais le ton. Par la justesse de ses tempos et le naturel de son propos, il dynamise l’Orchestre de l’Opéra de Nice et les chœurs, en n’oubliant jamais la dimension poétique d’un ouvrage au romantisme tragique. Cette représentation des Contes d’Hoffmann est incontestablement une réussite à mettre, cette saison, à l’actif de l’Opéra de Nice.

Michel Le Naour

Nice, Opéra, 27 janvier 2009

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Photo : DR

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