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Nice - Compte-rendu - La Rondine : une névrose puccinienne !


En psychanalyse, une névrose possède sa logique : celle des valses-hésitations. Toute l’œuvre de La Rondine semble elle aussi reposer sur d’éternelles tergiversations. Celles, en premier lieu, du livret : Puccini tâtonna longuement pour sa gestation, ballotté entre opéra et opérette, entre le projet soumis à l’origine par des compositeurs viennois et la réécriture versifiée par son futur biographe italien. Celles, ensuite, du moment de la création de l’œuvre en pleine première guerre mondiale et sur le « terrain neutre » de Monte-Carlo. Avec, déjà, des critiques sur cette « musiquette ni assez populaire pour être de l’opérette, ni assez digne pour qu’on parle de comédie lyrique ».

Dans cette interprétation qui a privilégié le côté « délicat et fragile » du personnage de Magda, la voix magnifique de la soprano Daria Masiero et son attendu « Folle amore ! folle ebbrezza ! » subissent les affres de ses atermoiements amoureux : « elle hésite », chante le cœur au début du deuxième acte. Elle-même s’interroge -« être Salomé ou Bérénice »- avant, dans l’acte III, de faire culminer son irrésolution dans « je ne peux pas parler, je ne peux pas me taire ». Au point, parfois, de ne plus entendre ses paroles couvertes par un orchestre sous la baguette d’Alberto Veronesi et d’être elle-même incapable du moindre mouvement, probablement tétanisée par ses doutes intérieurs. Il faut patienter jusqu’au dénouement afin de s’enthousiasmer pour l’émouvante richesse de son spectre vocal et l’intensité de son jeu dramatique.

Du coup, les transports passionnés de son amant Ruggero peinent également à convaincre : même si, à sa décharge, le ténor florentin Giorgio Casciarri a repris le rôle moins de trois semaines avant la première, ses efforts vocaux s’effacent derrière un visage aussi souriant qu’un masque mortuaire et un corps aussi raide que celui d’un être sans vie.
Dans le rôle de la servante Lisette, Diletta Rizzo Marin s’en sort vocalement et scéniquement nettement mieux, dans un jeu équilibré par les talents identiques du jeune Florian Laconi qui incarne le poète Prunier.

On se réjouira fort heureusement de pouvoir qualifier cette production de « jolie » grâce aux soins d’une équipe déjà à l’œuvre au 53ème Festival Puccini de Torre del Lago en août 2007 : des décors agréables, composés de toiles avifaunes colorées dans les pastels et des robes originales aux motifs de « l’hirondelle », le tout dessiné par le célèbre Nall. Eloignée des tentations faciles du modernisme, la mise en scène est signée Lorenzo Amato lequel trouve davantage son « inspiration dans le fait de pousser le classicisme dans ses limites ». Son choix de « faire des actes II et III, des rêves qui tournent au cauchemar » le conduit délibérément à situer le troisième acte « sur une plage car Magda et Rugerro sont pauvres ». Un romanesque décor insulaire où un tronc d’arbre mort très phallique fait tout de même face à un auvent formé d’une toile incurvée très utérine. Ultime manifestation, sans doute, de cette névrose puccinienne.

Jean-Luc Vannier

Puccini : La Rondine – Opéra de Nice, le 5 décembre 2008

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Photo : DR

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