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Nantes - Compte-rendu : Tosca enfin lue


Abondance de Tosca ne nuit jamais, et pour le cent-cinquantenaire de Puccini la jalouse Floria revivra tout autour du globe plus de deux cent quatre-vingts fois. Il en fallait bien cinq à Nantes et trois à Angers, d’autant que la relecture précise de Patrice Caurier et Moshe Leiser revisite sans fausse pudeur et sans élucubration un livret plus complexe qu’on le dit et des personnages depuis longtemps figés dans leurs stéréotypes.

On aime le parfum de Bohème qui flotte dans le premier acte. Mario entouré par ses toiles, son petit atelier en avant scène, pour la vierge une simple statuette de piété domestique, la chapelle hors scène, et tout Sant’Andrea della Valle d’ailleurs, Tosca entrant timide, inquiète ; ils avaient l’un et l’autre des faux airs de Rodolfo et Mimi.

On goûte moins Scarpia besognant la pauvre statuette de la vierge lorsqu’il reproche à Tosca de lui faire oublier Dieu, même si, pour ce monstre auquel l’amour s’est refusé, le blasphème est quoi qu’il en dise sa vraie nature. Geste inutile, d’autant que dès son entrée le personnage est cerné sans autres ambiguïtés que les siennes propres. Caurier et Leiser sont d’assez efficaces directeurs d’acteur pour pouvoir se passer de ce surlignage. Suivant mot à mot le livret, ils déduisent des situations qui révèlent le fond des protagonistes, et trouvent des solutions que la musique commente d’ailleurs : le long duo d’amour du III, improbable dans la chronologie dramatique de l’œuvre, en étonnera plus d’un. Et on les renverra au texte où Mario et Floria ne parlent que de leurs mains.

Si Caurier et Leiser ont débarrassé Tosca des lieux énormes que Puccini a choisis pour son action, Rome réapparaît avec bonheur juste à l’endroit où elle doit être, durant le prélude du IIIe acte, portrait explicite de la ville aux mille églises dont les cloches se répondent en une envoûtante rêverie. Et si Tosca avait des airs de Mimi au I, le II montre la femme piégée dans une détresse étreignante, avec cette vérité de la jalousie qui est d’abord une douleur pour soi.

Admirable perception de la vérité d’un caractère, que Nicola Beller Carbone incarne avec une grâce et des subtilités de comédienne dignes de Callas, dont elle retrouve par instant la voix même : ce lirico spinto qui devrait interdire à des formats dramatiques de se risquer à ce rôle. Après cette adéquation entre une comédienne et son personnage, le Mario de Giancarlo Monsalve un peu frustre, vocalement mais aussi de jeu, n’a que son élan et sa jeunesse à offrir. Cela suffira, d’autant que Claudio Otelli, en mauvaise voix hélas, campe un Scarpia implacable, carnassier, comme on en a peu vu. L’orchestre modeste rappelle que Puccini écrivait suprêmement et qu’il savait se faire entendre même à petit ensemble, et pourtant l’on rêvait d’un support autrement subtil. Détail dont le spectacle rembourse au centuple.

Jean-Charles Hoffelé

Giacomo Puccini, Tosca - Théâtre Graslin, Nantes, le 28 septembre 2008. Prochaines représentations le 30 septembre et le 2 octobre, puis à Anger, au Quai, les 10 et 12 octobre 2008

Photo : DR

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