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Nancy - Compte-rendu : Yannis Kokkos et Jane Glover transcendent Iphigénie

Idée originale que de clore le 250ème anniversaire de la création de la place Stanislas par Iphigénie en Tauride de C.W. Gluck ! Dédié à la reine Marie-Antoinette, l'ouvrage préfigure le grand opéra à la française, illustré quelque cinquante ans plus tard par Meyerbeer. L'intelligent dispositif scénique proposé par Yannis Kokkos souligne le drame intérieur vécu par l’héroïne - un triangle noir, avec des panneaux coulissants, délimitent les différents lieux de l’action et préservent la continuité de ce drame intimiste.

Il revient à la soprano albanaise Alketa Cela, de porter le poids du rôle titre. Eprouvante performance pour une tessiture qui oscille entre le mezzo et le soprano. Alketa Cela, avec une articulation parfaite, une voix ample et généreuse, offre une émouvante composition. L’aria « O malheureuse Iphigénie », précédée d’un solo de hautbois à faire pleurer des pierres, constitue un véritable moment d’anthologie.

Le personnage de Thoas réussit comme toujours à Franck Ferrari: diction impeccable, voix mordante qui restitue les affres du personnage. Après Alketa Cela, la palme revient aux deux héros masculins : Oreste et Pylade. Les deux acteurs se ressemblent étrangement, ce qui vient souligner avec plus de force, s’il en est, leurs rapports intimes. Le Français Xavier Mas, avec une voix souple et un timbre généreux, nous offre une véritable leçon de chant. La diction est parfaite, l’acteur émouvant : en continuant sur cette lancée, un nouveau Gedda se profile à l’horizon. Compliments identiques pour le baryton américain Kevin Greenlaw (Oreste). C’est en écoutant ce superbe chanteur que l’on se rend compte combien notre répertoire est apprécié et défendu outre-atlantique, une leçon que l’on ferait bien de retenir.

La magnifique direction d’acteur de Yannis Kokkos doit être saluée. Mais pouvait-on en douter après les mémorables Troyens du Châtelet ? De superbes mouvements du chœur viennent ponctuer une représentation enregistrée, à juste titre, par France Musique. Tous les seconds rôles sont de la même eau, avec une mention spéciale pour la Diane au timbre généreux de Hiromi Omura - on guettera sa Liu la saison prochaine à Nancy ! Valérie Debize (une femme grecque), avec une voix ample et une diction parfaite, nous fait tout autant regretter la brièveté de son intervention. Quand se décidera-t-on à donner à cette magnifique artiste française un rôle à la hauteur de son talent ?

Splendide chœur de femmes dirigé par Merion Powell : homogénéité des voix, justesse impeccable, avec des mouvement souhaités par Yannis Kokkos qui auraient pourtant pu, plus d’une fois, les mettre en danger. Faut-il des instruments anciens pour jouer Gluck ? La prestation de l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, superbement préparé et dirigé par Jane Glover, prouve que cela n’est pas obligatoire. Toujours attentive aux chanteurs, l'artiste a su obtenir des musiciens la couleur et le style appropriés. Bravo Madame et revenez-nous vite !

Bernard Niedda

Opéra de Nancy et de Lorraine, mardi 29 novembre 2005.

Gluck en DVD

Photo : DR
 

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