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Naissance d’un concours - Une interview d’Alexandre Brussilovsky


Violoniste international issu de la grande tradition de l’Ecole russe, Premier Grand Prix du Concours Long/Thibaud en 1975, professeur au Conservatoire de Versailles, Alexandre Brussilovsky est un disciple de Yuri Yankelevitch (1909-1972). A l’occasion du 100ème anniversaire de sa naissance est organisé à Omsk (Sibérie) le premier Concours international Yuri Yankelevitch, du 2 au 10 mars 2009, que présidera Alexandre Brussilovsky.

Pourquoi le Concours Yuri Yankelevitch ?

« Je rêvais de faire quelque chose à la mémoire de mon professeur et de créer un concours qui porte son nom en faisant venir de jeunes musiciens à l’occasion d’une compétition internationale. Grâce au soutien du gouvernement de la région d’Omsk et de la Fondation internationale Vladimir Spivakov, j’ai pu organiser un concours à deux niveaux qui s’adresse autant à de jeunes violonistes venus du monde entier qu’à des élèves de haut niveau. C’est grâce à une idée que j’ai évoquée lors d’un entretien avec sa nièce, qui est aussi l’une de mes amies, que j’ai pu mettre en place ce concours. La Fondation Spivakov et la figure symbolique de son président Vladimir Spivakov a été déterminante dans mon engagement pour mener à bien cette manifestation à laquelle j’attache le plus grand prix. Le Ministère de la Culture m’a aussi beaucoup aidé pour concrétiser ce projet. L’organisation est formidable, les salles de concert très belles, les structures d’accueil excellentes, et les habitants heureux de cet événement. Les candidats vivront dans des conditions tout à fait satisfaisantes pour pouvoir répéter, travailler, voire se reposer dans des hôtels confortables. »

Qui était Yuri Yankelevitch ?

« Yuri Yankelevitch est un pédagogue de grande réputation et que l’on peut considérer comme l’égal de grands violonistes tels Flesch, Auer, Sevcik, Oïstrakh et Galamian. Il est l’un des représentants les plus éminents de l’Ecole russe de violon. Né en Suisse, il est ensuite venu en Russie avec sa famille et a passé toute son enfance dans la ville d’Omsk en Sibérie où se déroulera le concours. En fait, il est héritier de la tradition de Leopold Auer par son maître à Leningrad, Nalbandian, et aussi par un autre grand pédagogue, Abraham Yampolski, formé dans les mêmes conditions. C’est dire qu’il s’inscrit dans une légende du violon (Leopold Auer avait suivi les cours de Joseph Joachim, le dédicataire du Concerto de Brahms) dont des artistes tels que Jascha Heifetz, Mischa Elman, Nathan Milstein, Toscha Seidel, sont entre autres les représentants les plus connus. Bien que soliste remarqué par Glazounov et musicien de quatuor, il se consacra essentiellement à la pédagogie, surtout au Conservatoire de Moscou. Parmi ses 200 élèves, certains sont aujourd’hui renommés : Victor Tretiakov, Lev Markiz (également chef d’orchestre), Grigori Zhisslin (lauréat du Concours Paganini), Tatiana Gridenko, Vladimir Spivakov (Président honoraire du Concours Yuri Yankelevitch). Bien qu’il ait fréquenté les plus grands noms de la musique (Rostropovitch, Milstein …), les raisons politiques l’ont empêché de sortir de son pays. Il est pourtant allé au Japon, est venu une fois en France. Emmanuel Krivine se souvient encore des leçons qu’il lui a données. J’ai été son élève à l’Ecole Centrale et au Conservatoire de Moscou avant de travailler avec Leonid Kogan en cycle de perfectionnement. »

Pouvez-vous parler de l’enseignement de Yuri Yankelevitch ?

« Il était tout autant musical que scientifique car mon professeur avait des connaissances qui dépassaient largement l’apprentissage du violon. Dans ce domaine, il est le successeur de cette grande Ecole Russe qui a réfléchi sur le placement de l’interprète, les changements de positions, et il a d’ailleurs écrit des ouvrages sur ces différentes techniques qui font référence encore aujourd’hui. Son enseignement était fondé plus sur la parole que sur la démonstration instrumentale. Il possédait une superbe voix de baryton profond et aurait pu être chanteur s’il n’avait pas été violoniste. Il avait même été invité à chanter dans les chœurs de Russie. Très exigeant mais sensible, il savait tirer parti de la qualité de chacun, toujours au service de l’expression plus que de la technique pure qu’il savait maîtriser parfaitement. J’ai eu souvent l’occasion de bénéficier de son altruisme et de sa générosité : il me prodiguait des cours aussi bien au Conservatoire que chez lui où je vivais comme dans ma propre famille. C’est dire que j’ai à son égard une dette de reconnaissance que je lui vouerai éternellement. Je me réjouis donc d’être à l’origine de ce Concours international de violon qui lui est dédié. »

Comment se dérouleront les épreuves ?

« Il y aura deux catégories d’épreuves et le jury est international avec la participation de violonistes et professeurs réputés. Parmi eux, le violoniste et chef d’orchestre français Jean-Pierre Wallez qui enseigne actuellement à la Haute Ecole de Musique de Genève. Le programme est original par rapport aux concours internationaux. Des sonates baroques russes sont même inscrites au programme des épreuves mais également le grand répertoire (J-S. Bach, les compositeurs romantiques et contemporains). Après les éliminatoires, se déroulera un récital de cinquante minutes, puis la finale concertiste avec l’Orchestre d’Omsk. Plus de quarante participants venus du monde entier se sont inscrits (Etats-Unis, Canada, Chine, Corée du Sud, Japon, Moldavie, Azerbaïdjan, Hongrie, Allemagne, France et bien sûr Russie). C’est donc un éventail très large de candidats qui laisse présager un excellent niveau. J’attends beaucoup des résultats de ce concours. »

Propos recueillis par Michel Le Naour, le 3 février 2009

> http://www.yankelevitch-international-competition.com

> http://alexandrebrussilovsky.com

Photo : DR

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