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Nabucco au Capitole de Toulouse – Au pays où l’on ne hue pas – Compte-rendu
Ouverture de saison à l’Opéra de Paris, avec Les Brigands : lors des saluts, des huées nourries accueillent l’équipe du metteur en scène, qui en semble ravie. Ouverture de saison à Toulouse, avec Nabucco : lors des saluts, des acclamations unanimes et vigoureuses sont adressées au travail du metteur en scène. La différence entre la capitale et le Capitole ne tient pas qu’au tempérament du public, et l’enthousiasme manifesté sur les bords de la Garonne a des raisons liées au spectacle seul. Pas de camps de concentration, pas de conflit israélo-palestinien, mais une production qui ne plaque pas d’autre histoire sur celle du livret. Pour autant, pas de passéisme non plus : ce Nabucco ne copie pas servilement ce qui se faisait il y a deux siècles ou il y a cinquante ans.
© Mirco Magliocca
On peut évidemment reprocher à Stefano Poda – qui assure mise en scène, décors, costumes et chorégraphie – de décliner à l’infini un univers visuel personnel, qui revient inlassablement, mais il n’est pas le seul dans ce cas, et il faut reconnaître que cet univers-là est fort agréable à regarder. Et ce n’est pas tout, car il ne s’agit pas ici d’une suite de tableaux figés comme en présentent certains décorateurs trop hâtivement autoproclamés metteurs en scène : le Nabucco de Toulouse (vu précédemment à Lausanne, qui l’a coproduit) propose un vrai moment de théâtre, avec une action clairement narrée et visualisée, sur un plateau constamment animé par des mouvements réglés à la perfection – jusque lors des saluts – et des éclairages d’une beauté étonnante. La légende biblique est traduite en images non pas actualisées mais modernes, et l’on ne peut qu’admirer l’art toujours renouvelé avec lequel Stefano Poda sait sculpter le vivant, dans sa manière de faire bouger le chœur et d’utiliser les seize danseurs presque toujours présents sur scène.
© Mirco Magliocca
Pas besoin ici de projection vidéo pour donner l’impression qu’il se passe quelque chose, les déplacements des personnages (et du décor) suffisent. Le sens de l’action est également manifesté par quelques images fortes, comme la mise en cage des Hébreux au premier acte, et si l’on retrouve quelques-unes des obsessions du metteur en scène, comme ces moulages de sculpture qu’il utilise de façon presque systématique, la grande aile sculptée que ces fragments réunis composent lors du fameux chœur des esclaves renvoie aux « ailes dorées » de la pensée dont parle le texte à ce moment précis. Ceux qui veulent à tout prix être bousculés ou choqués par un spectacle d’opéra iront ailleurs.
Les acclamations du public toulousain sont aussi pleinement justifiées par l’exécution musicale. Dans l’acoustique généreuse du Capitole, Giacomo Sagripanti exalte la noblesse de la partition du jeune Verdi sans exagérer le caractère par trop dansant de ses passages plus guillerets. L’orchestre et le chœur du Capitole adhèrent pleinement à ces choix intelligents. Quant aux solistes, ils se montrent eux aussi tout à fait à la hauteur des exigences. Pour assurer huit représentations en une quinzaine de jours (plus une ajoutée afin de faire face à la forte demande), le théâtre a misé sur une double distribution, et comme Christophe Ghristi ne voulait pas mettre tous ses œufs dans le même panier, il faut hélas choisir entre deux troupes aussi alléchantes l’une que l’autre, sauf à voir le spectacle deux fois.
Gezim Myshketa © Mirco Magliocca
Seuls les titulaires des rôles moins exposés assurent toutes les représentations : c’est le cas de Jean-François Borras, qui réussit par son engagement à faire d’Ismaele un personnage bien moins effacé que d’ordinaire, ou d’Irina Sherazadishvili, Fenena ardente et émouvante, qui distille de beaux pianissimi dans son ultime intervention. Même si les couleurs de son timbre semblent un peu plus françaises qu’italiennes, Nicolas Courjal est un Zaccaria plein d’autorité, qui bénéficie de l’expérience acquise lors de sa prise de rôle à Lausanne. Dans le rôle-titre, Gezim Myshketa confirme qu’il est bien l’une des grandes voix verdiennes du moment, comme le montrait déjà son Rigoletto à Montpellier en 2021 (dans l’autre distribution, on entendra Aleksei Isaev, remarqué à Toulouse en Ondin de Roussalka en ouverture de la saison dernière). Quant à Abigaille, elle trouve en Yolanda Auyanet une interprète d’exception, qui affronte sans un instant de faiblesse toutes les difficultés que Verdi a accumulées sur ce personnage : la soprano espagnole sait conjuguer puissance, clarté du timbre et maîtrise de la virtuosité. Mais l’on gage que l’Abigaille de l’autre distribution ne sera pas moins impressionnante, puisqu’il s’agit de notre compatriote Catherine Hunold, qui fut entre autres une mémorable Lady Macbeth.
Laurent Bury
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Verdi, Nabucco - Toulouse, Théâtre du Capitole, 24 septembre ; prochaines représentations les 26 et 29 septembre, 1er, 2, 4, 5, 6 et 8 octobre 2024 // opera.toulouse.fr/nabucco-117331/
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