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Musique_et_entreprise - La Fondation d’entreprise Hermès à Royaumont – Concordance de valeurs

Catherine Tsekenis

La Fondation Royaumont fête son 50ème anniversaire. Chacun sait, tout ce que ce lieu pluridisciplinaire, synonyme de rencontres, de formation, de création, de transmission, de recherche, d’aventure, a apporté à la vie artistique depuis un demi-siècle. Rien ne se réalise sans moyens et, parallèlement aux pouvoirs publics, plusieurs mécènes ont contribué et contribuent de façon décisive à la vie de Royaumont. Concertclassic reviendra sur leurs actions respectives dans les mois qui viennent. Puisque le week-end inaugural (28-29 juin) du jubilé de l’institution valdoisienne approche et que l’on y découvre une préfiguration d’un des spectacles de sa grande journée chorégraphique du 6 septembre, commençons par la Fondation d’entreprise Hermès, présente dans le domaine de la danse à Royaumont depuis 2008.

2008 marque d’ailleurs l’année de naissance de la Fondation Hermès mais, comme le rappelle Catherine Tsekenis (photo), sa Directrice, « ce n’était pas le début du mécénat chez Hermès puisque dès la fin des années 1990 Jean-Louis Dumas (1938-2010) - le père de Pierre-Alexis Dumas, actuel Directeur artistique d’Hermès et Président de la Fondation d’entreprise Hermès - avait pris un certains nombre d’initiatives en ce domaine. Au moment de son arrivée à la Direction artistique, Pierre-Alexis Dumas a manifesté la volonté de développer le mécénat et Patrick Thomas, le n° 1 de l’époque, l’a encouragé dans cette démarche. La création de la Fondation d’entreprise d’Hermès s’inscrit dans la tradition humaniste de notre maison. La Fondation a choisi comme grande ligne la question des savoir-faire. Les artistes ont un savoir-faire, ils le travaillent, le mettent en débat ; il y a une logique à ce que nous nous intéressions à eux. De plus, dans cette maison, nous considérons qu’un savoir-faire sans création est un savoir-faire qui peut mourir ; la création le revitalise. » D’un montant de 8 millions €, le budget annuel de la Fondation d’entreprise Hermès se répartit pour 2/3 dans des actions de création artistique (en grande partie dans les domaines des arts plastiques, de la photographie, du design, etc.) et pour 1/3 dans la solidarité.
 

Francis Maréchal, directeur de la Fondation Royaumont

Francis Maréchal / photo © Agathe Poupey

Avec sa double formation de danseuse et de philosophe (à laquelle s’ajoutent quatre années passées au Ministère de la culture en qualité d’inspectrice à la Création et aux Enseignements artistiques) et sa position à la tête d’une Fondation qui a pour maxime « Nos gestes nous créent », C. Tsekenis était prédisposée à prêter une oreille attentive aux sollicitations de la Fondation Royaumont et de son Directeur général, Francis Maréchal. Si la rencontre entre la Fondation Hermès et Royaumont date de 2008, la présence de la danse à Royaumont remonte à plus loin. « La danse est arrivée, rappelle F. Maréchal, à un moment où je m’interrogeais sur la diversification des disciplines artistiques à Royaumont. Je souhaitais que la musique puisse dialoguer avec d’autres disciplines et ne soit pas trop autocentrée - même si un grand éclectisme règne chez nous en matière de répertoire. En 1995, Royaumont a eu l’opportunité d’accueillir Susan Buirge, une chorégraphe d’origine américaine qui a exercé une influence importante dans l’émergence en France d’une nouvelle danse contemporaine durant les années 70. Elle éprouve une grande fascination pour le Japon. Elle revenait d’un séjour à la villa Kujoyama de Kyôto (1) et cherchait en quelque sorte un « toit » pour reprendre une activité chorégraphique en France. »

La Chorégraphe Susan Buirge à Royaumont

Susan Buirge / Photo © DR

« A partir de 1995 Royaumont a hébergé S. Buirge, encouragé par le Ministère de la culture qui souhaitait favoriser sa réimplantation en France, poursuit F. Maréchal. J’y étais d’autant plus enclin que je savais le grand intérêt de l’artiste pour la musique. Elle fait partie des chorégraphes qui défendent la présence de la musique vivante dans les spectacles chorégraphiques, plus encore elle commande des œuvres à des compositeurs. La force de sa relation avec la musique, avec la littérature aussi, m’a conforté dans ma décision de l’accueillir ; cette implantation était une occasion d’ouvrir la musique à une autre forme de dialogue. Avec le soutien du Ministère, Royaumont a commencé à gérer un atelier de composition chorégraphique. »

« Cela allait bien avec la démarche de Royaumont et correspondait aussi à une nécessité de l’époque, celle de mener une vraie réflexion sur l’écriture chorégraphique et la formation de chorégraphes à cette écriture. Si des initiatives ont depuis été prises à Montpellier ou à Angers, rien n’existait alors en ce domaine en France. Nous avons été les premiers à nous intéresser à la formation de chorégraphes en tant que tels et non pas à celle de danseurs qui peuvent ensuite devenir des chorégraphes. Ainsi notre programme a-t-il été baptisé Programme de Composition et de Recherche Chorégraphique (PRCC). »

L’implantation réussie de la danse à Royaumont à partir de 1995 conduit au développement de ce domaine au début des années 2000. En 2008 S. Buirge part s’installer au Japon, mais le mouvement se confirme : Myriam Gourfink prend la succession de sa collègue à la tête du PRCC, qui se lance alors dans le programme Transforme – il se prolongera jusqu’en 2012, date à laquelle Hervé Robbe succède à M. Gourfink et Transforme devient Prototype.

« En 2008, le mécénat n’était pas très présent sur la danse, rappelle F. Maréchal, hormis un soutien que nous avions reçu de la Fondation BNP Paribas. J’avais entendu parler de la création de la Fondation d’entreprise Hermès et je me suis immédiatement mis en relation avec Catherine Tsekenis »
Il ne pouvait mieux viser qu’en s’adressant à cette fine connaisseuse du monde de la danse. « La création est une chose importante pour la Fondation Hermès, rappelle-t-elle, la transmission l’est aussi – c’est une grande valeur de l’artisanat. Il y avait un cohérence à soutenir le programme Transforme. Notre intérêt tenait aussi au fait qu’à l’époque en France, contrairement à la musique, il n’y avait pas, hormis à Royaumont, de formation à la composition chorégraphique. Nous apprécions en outre le fait que le travail des chorégraphes s’effectue en lien avec celui des compositeurs en résidence. Il est intéressant de mettre en relation des artistes travaillant dans deux champs différents ; ils ont beaucoup de choses à se dire et à faire ensemble. »

Chorégraphie d'Hervé Robbe à Royaumont

chorégraphie Hervé Robbe Royaumont / Photo © Laurent Pailli

« Une concordances de valeurs » : la formule de F. Maréchal résume l’essence d’une relation fondée sur le dialogue et l’écoute. C. Tsekeris se réjouit pour sa part d’« un mécénat extrêmement agréable car on sent qu’il y a un grand respect du mécène. Nous sommes très bien informés, nous discutons des enjeux, nous ne sommes pas seulement le bailleur fonds qui fait un chèque ; il s’agit vraiment d’une relation différente. »

F. Maréchal rappelle un autre aspect de celle-ci : « le besoin de Royaumont de développer un mécénat de particuliers a pu s’effectuer en direction des Etats-Unis grâce au plein soutien d’Hermès New York (et de son patron Peter Malachi, qui s’est totalement prêté au jeu). Nous avons pu organiser des soirées de charité, trois à New York - dont deux avec Natalie Dessay qui nous a très généreusement prêté son concours. »

« La complicité qui s’est instaurée entre Royaumont et la Fondation Hermès nous honore beaucoup ; elle nous soutient sans discontinuer depuis 2008 et a accepté d’accroître le montant de sa participation en cette année de Jubilé. Pour notre grande journée « Songes chorégraphiques » du 6 septembre je suis d’ailleurs très touché de voir la Fondation Hermès associée à la Fondation BNP Paribas, un mécène dont l’intérêt pour la danse contemporaine - assez exceptionnel dans le monde du mécénat -  s'est très tôt manifesté sous l'impulsion de Martine Tridde-Mazloum. Beau symbole donc que leur présence conjointe autour de cet événement. »

« La journée du 6 septembre sera l’occasion de retrouver Susan Buirge, à qui nous avons commandé une pièce pour la circonstance (Dogū déterré), mais aussi Myriam Gourfink dont nous reprenons The monster which never breathes, grand solo de danse écrit avec Kasper T. Toeplitz pour l’orgue de Royaumont. Nous avons par ailleurs passé commande à Hervé Robbe d’une création (La Tentation d’un Ermitage) dont ont pourra découvrir une préfiguration, le 28 juin, lors du week-end d’ouverture de notre Jubilé. Enfin, la journée du 6 septembre se terminera par une pièce signée de Marianne Baillot, une chorégraphe issue de la formation de Royaumont, et Charlotte Plasse. »

Alain Cochard

(1) www.institutfrancais.com/fr/residences/villa-kujoyama 

Fondation d’entreprise Hermès : www.fondationdentreprisehermes.org

Fondation Royaumont, programme complet du la saison du 50ème anniversaire (28 juin-14 décembre 2014) : www.royaumont.com

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Photo Catherine Tsekenis © Alexis Benars / Fondation d'entreprise Hermès

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