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MUSIQUE A BORDEAUX - Charles Guivarch, Administrateur artistique de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine – Travail d’équipe pour une visibilité retrouvée
Après un rapide passage à l’Opéra de Paris au sortir de ses études à Sciences Po, Charles Guivarch retrouvait sa Bretagne natale pour entamer un parcours de dix ans à l’Orchestre de Bretagne, où il a occupé divers postes avant de prendre in fine la direction générale de la formation, succédant à Jean-Marc Bador au moment du départ de ce dernier pour Lyon. Bordelais depuis cinq ans, il est désormais l’administrateur artistique de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine et a donc été le témoin du passage de relai entre Kwame Ryan et Paul Daniel et des effets positifs de l’ouverture de l’Auditorium de Bordeaux.
Administrateur artistique ? Très polyvalent, ce poste conduit l’intéressé à gérer un volet R.H., un autre financier, et en fait par ailleurs le premier conseiller artistique de P. Daniel et son bras droit quand il s’agit de faire « passer un certain nombre d’informations à l’orchestre ou de renseigner un directeur musical pas forcément au courant des règles de fonctionnement des phalanges françaises. » Et en cas de conflit, le rôle de l’administrateur s’avère bien évidemment essentiel. Il ne l’est pas moins pendant les périodes d’absence de P. Daniel (dont le contrat prévoit 16 semaines de présence par an à Bordeaux) au cours desquelles il s’attache à « recueillir en permanence le retour des musiciens. »
La nomination de P. Daniel en juin 2013 a comblé Charles Guivarch. « Je savais que nous allions bien travailler avec Paul », confie-t-il, satisfait du dialogue qui s’est établi avec le chef, du stimulant échange d’idées qu’il entretient avec lui. « Tout est travail d’équipe », facilité par la « grande confiance que Thierry Fouquet (directeur général de l’Opéra de Bordeaux ndr) manifeste envers le travail réalisé par Paul, moi et Isabelle Masset (directrice adjointe de l’Opéra de Bordeaux ndr). Nos réunions de travail sont des moments extraordinaires, les idées fusent jusqu’à la dernière minute et il faut vraiment que nous ayons un deadline pour nous décider à fixer les choses. Un appétit commun de musique nous anime et personne ne cherche à tirer la couverture à lui. »
Mais C. Guivarch travaille très étroitement aussi avec T. Fouquet, car « la programmation symphonique de l’ONBA s’insère dans le planning de l’Opéra, ce qui implique un fonctionnement tout à fait différent de celui d’un orchestre ayant une mission uniquement symphonique. » Il n’est pas toujours simple de faire concorder les plannings, ni pour l’administration, ni pour les instrumentistes mais, constate C. Guivarch, ce partage entre lyrique et symphonique « apporte beaucoup de souplesse aux musiciens. »
Une qualité indispensable pour satisfaire aux exigences d’une programmation diversifiée qui, depuis la rentrée 2013, a par exemple permis d’entendre la « Résurrection » de Mahler et le 3ème acte de Siegfried, aussi bien que des symphonies de Haydn, la Turangalîla de Messiaen et la 1ère de Sibelius. Construire une saison ? « Ni Paul, ni moi ne sommes des fervents du modèle ouverture-concerto-symphonie, que l’ONBA pratique certes mais sans excès, reconnaît C. Guivarch ». On a déjà pu le constater et le fait que P. Daniel « aime raconter une histoire dans un programme » ne pourra que le confirmer au cours de la saison prochaine, de tonalité shakespearienne – 400e anniversaire de la disparition de l’auteur d’Hamlet oblige. On en connaîtra le détail à la toute fin du mois de mai.
Quant aux chefs invités, les choix sont le fruit d’un dialogue entre T. Fouquet, P. Daniel et C. Guivarch et de la prise en compte des avis des musiciens. « Nous réinvitons beaucoup de chefs qui ont été appréciés pendant une saison. » Ainsi reverra-t-on, des artistes tels que Douglas Boyd, dont le profil « orchestre de chambre » est un atout pour le travail du répertoire classique, ou encore Sascha Goetzel, lui aussi très prisé des membres de l’ONBA. « De vrai coups de foudre se produisent parfois, note. C. Guivarch. Ça a été le cas en janvier dernier, et de façon réciproque, avec Emmanuel Krivine qui revenait à Bordeaux après vingt ans d’absence pour diriger la 9ème de Bruckner. Nous n’avons pas réussi à trouver une date sur la saison prochaine, mais il sera là en 2016-2017 ».
La dynamique qui porte l’ONBA depuis l’arrivée de P. Daniel tient évidemment à la personnalité de l’artiste britannique et au sens du partage qu’il a contribué à installer avec son équipe. Il faut toutefois y ajouter l’ « effet Auditorium ». P. Daniel a su apprendre à ses troupes à s’adapter à une acoustique superbe mais… qui pardonne rien.
Stimulante expérience pour un orchestre en plein tournant générationnel qui, dans la période récente, a procédé à des remplacements suite à des départs à la retraite. « Nous avons une dizaine de recrutements à faire, 2016 verra une dizaine de départs parmi les tuttistes, précise C. Guivarch. L’arrivée de nouveaux membres crée une salutaire émulation entre les musiciens, mais ils ont besoin d’être nourris en projets et écoutés. »
Quelle plus belle récompense du travail accompli pour les instrumentistes que de constater la forte proportion de jeunes auditeurs présents. Ils profitent du « Pass Jeunes » qui offre aux 16-26 ans l’accès à autant de concerts que souhaité pour 10 € par mois.
Si les projets portent les musiciens, ils sont aussi nécessaires à la fidélisation du public, tant du point de vue de leur qualité que de leur nombre. « J’ai la conviction, dit C. Guivarch, qu’il ne faut pas baisser l’activité sous prétexte qu’il y a moins d’argent. Plus on a de l’activité, de la densité, plus le public a envie de venir à l’Auditorium, de s’intéresser à ce qui s’y passe. » Inutile de préciser que l’enrichissement de la programmation, chaque mois de novembre, grâce à la demi-douzaine de concerts du Festival L’Esprit du Piano le ravit, tout comme la résidence de l’Ensemble Pygmalion à Bordeaux.
Quant à ceux qui n’auraient pas encore eu l’occasion de juger en concert de la fructueuse rencontre de P. Daniel et de l’ONBA, ils peuvent découvrir les deux premiers volumes de la collection d’enregistrements live lancée chez Actes Sud (grâce au mécénat de Kutxabank) : un programme Wagner et, tout récemment, une superbe 5ème Symphonie de Mahler, intense et rétive au pathos. Un programme Sibelius, compositeur cher à P. Daniel, suivra (2ème Symphonie et Le Retour de Lemminkäinen).
Quant à l’été qui arrive, il va offrir à l’orchestre et à son directeur musical le bonheur de se produire pour la première fois au Festival de Radio France et de Montpellier, dans la 5ème Symphonie de Mahler. Une invitation que C. Guivarch interprète comme « un bon indicateur d’une visibilité retrouvée ».
Alain COCHARD
(Entretien avec Charles Guivarch réalisé le 21 février 2015)
www.opera-bordeaux.com
Photo © Ouest France
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