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Montpellier - Compte-rendu : Découverte et rareté lyriques
A chaque Festival de Radio France, ses découvertes lyriques, plus ou moins heureuses… Autant on avait peu goûté l’an dernier le bavard et assommant Duc d’Albe du tandem Donizetti-Salvi, autant on se dit que René Koering a eu le nez creux en programmant La Esmeralda de Louise Bertin (1805-1877). « Création » est-il écrit sur le programme ; re-création vaudrait-il mieux dire dans la mesure où la première de l’œuvre se tint le 14 novembre 1836 à Paris, avec Cornélie Falcon dans le rôle-titre – excusez-du peu. L’enthousiasme de Franz Liszt envers l’opéra de la jeune compositrice française fut d’ailleurs tel que, pour la seule et unique fois de sa carrière, il réduisit intégralement pour piano un ouvrage lyrique. C’est d’ailleurs grâce à l’auteur des Rhapsodies hongroises que nous découvrons l’œuvre en ce début de XXIe siècle car, la partition d’orchestre de La Esmeralda ayant été perdue, la réduction lisztienne a servi au compositeur Richard Dubugnon pour le travail d’orchestration entrepris à la demande du Festival de Montpellier.
Si les œuvres de Victor Hugo ont pu inspirer les librettistes, le livret de La Esmeralda est le seul à avoir été écrit par Hugo – il était à l’évidence plus grand poète et romancier que librettiste... Tiré de Notre-Dame de Paris, l’argument de La Esmeralda s’en distingue toutefois en concentrant l’action autour des personnages d’Esmeralda, Phoebus et Frollo et réserve une place bien réduite à Quasimodo.
Et la musique de Mlle Bertin ? La fille du directeur du Journal des débats ne manquait pas de talent et l’on n’a pas éprouvé un instant d’ennui au long des quatre actes d’un ouvrage qui étonne par son équilibre et la qualité de son écriture. Louise Bertin a certes été marquée par l’influence de son contemporain Berlioz, mais elle possède toutefois une manière bien personnelle dont le grand mérite est de ne jamais céder aux poncifs et aux formules de remplissage.
La grande chance du retour de La Esmeralda en version de concert à Montpellier aura été, d’abord et avant tout, la baguette de Lawrence Foster qui s’est engagé avec la même conviction et le même soin que s’il avait affaire à une partition fameuse. Le relief et l’allant de sa direction conjugués à une grande attention aux voix ont permis au plateau, bien qu’inégal, de donner le meilleur de lui-même, en particulier durant les deux derniers actes.
Du point de vue vocal, la palme de la soirée revient sans discussion au ténor argentin Manuel Nunez Camelino (photo), un élégant ténor di grazia dont les vingt-huit ans conviennent parfaitement au rôle de Phoebus, jadis créé par Adolphe Nourrit. La soprano Maya Boog peine un peu à habiter son personnage durant la première partie du spectacle, mais l’entracte passé bien des réserves se dissipent. Ce n’est pas le cas en revanche avec Francesco Ellero d’Artegna, fruste basse qui, nez dans la partition, nous inflige un Frollo à l’élocution bourbeuse et à l’intonation parfois approximative. Dans le modeste rôle de Quasimodo, le ténor Frédéric Antoun fait pour sa part bonne figure. Enfin, même si son français laisse un peu à désirer, le Chœur de la Radio Lettone tire plutôt bien son épingle du jeu.
On ne s’attardera pas par la Petite Messe Solennelle donnée le lendemain par ce même ensemble, dirigé par Sigvards Klava. Le quatuor vocal (Kädy Plaas, Ieva Parsa, Kestutis Alcauskis –un ténor particulièrement insuffisant - et Gundars Dzilums) n’était à l’évidence pas plus concerné que les choristes par le merveilleux ouvrage de Rossini. Résultat d’une fadeur spongieuse et d’un ennui mortel… Et puis, franchement, même en gonflant l’effectif choral prévu par Rossini, la Petite Messe dans l’immensité du Corum, cela n’a pas plus de sens qu’un combat de coqs au milieu de la pelouse du Stade de France !
Le souvenir de cette décevante soirée allait vite être dissipé par le programme du lendemain où figurait le rare Mozart et Salieri, « Scène dramatique » pour ténor, basse et orchestre écrite par Rimski-Korsakov sur le livret de Pouchkine. Placée entre le lumineux Concerto n°23 et le dramatique Concerto n°20 de Mozart sous les doigts d’Aldo Ciccolini (voir notre commentaire ci-contre), l’un des plus beaux ouvrages lyriques du compositeur russe prend un poids particulier. Foster en soigne le détail avec un bonheur visible et un vrai sens du théâtre et les deux solistes retenus correspondent idéalement au profil des rôles. Le ténor Stanislas Vitart sait trouver la fragilité requise par le personnage de Mozart, tandis que la basse Konstantin Gorny – retenez ce nom ! - campe, avec des moyens vocaux aussi impressionnants que sa carrure, un Salieri d’une rare noirceur. Mémorable soirée d’opéra et de piano à la fois !
Alain Cochard
Montpellier-Festival de Radio France, les 23, 25 et 26 juillet 2008
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Photo : DR
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