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​Micah McLaurin en récital aux Pianissimes – Musique d’abord – Compte rendu

Pas de trace du nom de Micah McLaurin (photo) au palmarès du Concours Long-Thibaud-Crespin 2015. Pourtant, comme le précise très justement le programme du récital que le jeune pianiste américain donne aux Pianissimes, "il fut l’une des révélations" de l'édition 2015.
Mais –  beau, splendide même, ratage ! (si seulement cela avait été le seul ...) – le jury décida d’éliminer le candidat ... dès la fin des demi-finales, au grand dam de nombre d’auditeurs. Les regrets se muèrent en consternation en prenant connaissance quelques jours plus tard d'un des palmarès (sans Premier Prix) les plus falots de l’histoire de la compétition.

L’enfant de Charleston n’avait pourtant pas fait en vain le déplacement à Paris puisque Olivier Bouley (directeur des Pianissimes), ne se laissant aucunement influencer par le choix du jury, décida sur le champ de programmer l’artiste dans sa saison. Bien vu ! Depuis, celui qui dès 2011 faisait partie des huit jeunes pianistes sélectionnés par le Festival de Verbier a reçu le Gilmore Young Artist Award l’an dernier, une bourse destinée à aider dans son envol un pianiste prometteur. Et c’est bien ce que l’on a découvert lors du premier récital parisien de McLaurin dans le cadre, inédit pour les Pianissimes, du bel auditorium du Musée Dapper.

Richesse de la sonorité, concentration du propos : le pianiste ne sacrifie rien à l’effet. Comme lors du Concours en 2015, son sens du chant et de la narration retient d'emblée l'attention. Après un Nocturne op. 48 n° 1 et un Fantaisie op. 49 de Chopin intensément vécus, il se plonge dans la Fantaisie op. 17 de Schumann. Se plonger : tel est le mot pour décrire un interprète qui sonde les tréfonds de la partition – quitte à perdre un peu trop d’élan dans le mouvement initial – et termine par un Langsam getragen merveilleux de lyrisme et d’émotion contenue. Engagé, il garde toujours une pointe de distance avec l’œuvre. Lucidité face au texte, refus de l’émotion facile sont parmi les atouts premiers d’une vraie personnalité, capable de choix tranchés et assumés.

Une personnalité sans doute pas encore totalement éclose – le jeune homme n’a que 22 ans et étudie encore auprès de Robert McDonald au Curtis Institute –, mais bien suffisamment pour affirmer qu’il faut désormais compter avec McLaurin. Les couleurs chatoyantes, le lyrisme mystérieux des Quejas, la bondissante luminosité du Pelele de Granados, et, pour conclure, une Mephisto-Valse n° 1 de Liszt, parfaitement tenue mais plus occupée à se souvenir des timbres de l’orchestre – pour lequel la pièce fut initialement pensée – qu’à épater la galerie, confirment cette impression. Un bis ? La Rêverie des Scènes d’enfants ; comme une signature : celle d’un vrai musicien.

Les Pianissimes nous gâtent décidément : après McLaurin, le prochain rendez vous (le 27 février aux Récollets) réunira Aurélien Pascal et Alexandre Kantorow dans un splendide programme russe !
 
Alain Cochard

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Paris, Auditorium du Musée Dapper,  13 janvier 2017 / www.pianissimes.org

Photo © Oliver Mollison

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