Journal

​Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid à l’église Saint-Marcel – Heureuses retrouvailles – Compte-rendu

C’est leur tout premier concert public depuis l’annonce du déconfinement : le bonheur se lit sur les visages de Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid, que l’on retrouve dans le cadre de la série musicale de l’église Saint-Marcel, rue Pierre-Nicole à Paris. Bonheur partagé par le public, de retour à la musique vivante, lui aussi. Un concert « en vrai » donc, et un programme original propre à séduire les amateurs de piano comme de mélodie.
 
Pour clavier seul, la première partie convoque d’abord trois extraits de Ce que l’on entend de Marie-Jaëll (1846-1925), grand cycle (de 1894) formé de 18 pièces inspirées par la Divine Comédie de Dante. La compositrice alsacienne, à partir des quatre premières notes du Dies iræ, y montre une étonnante inventivité et, même si l’on sent la prégnance de l’exemple lisztien, témoigne d’une vraie originalité que Célia Oneto Bensaid souligne par l’engagement de son propos. Poursuite et Blasphème (ext. Ce que l’on entend dans l’Enfer) sont emplis d’ombres et grondent de souterraines menaces, tandis que les Voix célestes (ext. Ce que l’on entend dans le Paradis) offrent une impalpable fluidité et des nuances délicates.
Du minimalisme thématique de Jaëll à celui de Philip Glass, le chemin est vite parcouru et l’on se laisse prendre par l’agissante immobilité de Metamorphosis 2 au cours de laquelle la palette sonore très subtile de la pianiste fait merveille. Avec Number 1 de Camille Pépin –  pièce récente (2020) qui marque le commencement d’un cycle de la compositrice française en hommage à Jackson Pollock –  les teintes se font autrement plus vives, le relief s’accentue et Célia Oneto Bensaid suggère le jaillissement de la couleur avec une parfaite acuité rythmique.
 
Place au chant ensuite avec quelques mélodies de Sibelius (5 Mélodies op. 37, Kaiutar op. 72/4, Jubal op. 35/1, Norden op. 90/1 et Sommernatten op. 90/5) qui viennent éclairer un autre aspect de l’art de Marie-Laure Garnier. Celle que l’on saluait il y a peu pour son interprétation des Chants de l’Âme d’Olivier Greif (1), se révèle parfaitement à son aise dans l’univers du maître finlandais, tellement habité par la présence de la nature. Elle sait faire ressentir l’immensité de la voûte céleste (op. 37/1), la solitude de la nymphe dans la lande (op. 72/4), autant que la poésie de la nuit d’été (op. 90/5) et mêle profond sens narratif et un tact parfait dans l’expression dramatique (op. 37/5).
On pourra d’ailleurs bientôt à nouveau juger des affinités de la soprano et de sa si complice partenaire avec ce répertoire à l’occasion du récital Sibelius-Saariaho que le duo donnera (le 6 juillet à 19h) sur la Scène numérique du Festival d’Aix-en-Provence.
 
Alain Cochard
(1) www.concertclassic.com/article/le-disque-de-la-semaine-les-chants-de-lame-dolivier-greif-par-marie-laure-garnier-b-records
 
Paris, église luthérienne Saint-Marcel, 18 juin 2020
 
Photo © Florent Garcimore
Partager par emailImprimer

Derniers articles