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Maria José Siri et Gregory Kunde en concert au Théâtre des Champs-Elysées – Incandescent – Compte-rendu
Il faut s'appeler Gregroy Kunde et être une légende vivante pour accepter de remplacer un confère (1) dans une capitale où il n'a jamais eu droit de cité...C'est sans doute aussi par amitié que le ténor – qui chantait au même moment Des Grieux à Barcelone ! - a répondu à la demande de Michel Franck, directeur du TCE où il avait été invité dans les mêmes conditions en mai 2011. L’Orchestre du Teatro Comunale di Bologna et Michele Mariotti étaient cette fois à l'honneur avec un programme Verdi et Rossini.
Après un passage à vide, le jeune chef italien a entrepris un travail admirable et redoré le blason de cette phalange, qui figure aujourd'hui parmi les meilleures. A peine sorti d'une série de Don Carlo au Comunale l'orchestre, conduit avec ardeur, s'est d'ailleurs distingué dans l'ouverture des Vespri siciliani et les scènes de danses de Macbeth, jouées avec souplesse et brio, avant d'accompagner brillamment les solistes dans Un ballo in maschera. Pour ses débuts à Paris, Maria José Siri – qui vient d'interpréter Elisabetta à Bologne – s'est montrée particulièrement éloquente dans ce répertoire. Plus lirico que spinto, avec une voix pleine et homogène dont les couleurs chaudes, l'émission franche et l'aigu ferme rappellent Freni, la cantatrice uruguayenne, malgré un medium un peu faible, a dominé les embrasements du premier air d'Amelia et laissé transparaître derrière l'urgence un beau frémissement. Réunis pour le duo « Teco io sto », les deux artistes ont ensuite merveilleusement traduit l'intensité de cette rencontre, la tension et l'exaltation des sens vécues par ces amants, leurs longs phrasés, la beauté de leurs aigus et de leur timbre, exaltant ce morceau.
Malgré la qualité de l’exécution des extraits orchestraux (l’Ouverture de Guillaume Tell notamment), nous étions impatients de les retrouver dans Aida : l'un comme l'autre semble avoir été fait pour chanter cette musique. Lui conserve une éternelle jeunesse, dispense un chant d'une clarté exemplaire, allège la pâte, nuance chaque mot, chaque inflexion, elle se laisse porter par ce partenaire inspirant, usant de magnifiques piani. Eculé « Pace, pace, mio dio » ? non, surtout quand il est exécuté avec autant d'adresse par une soprano qui a les moyens du rôle, la technique, le slancio, mais aussi la vision. Résultat : un public en extase. Situé à un même niveau, l'air de Riccardo du Ballo in maschera « Forse la soglia attinse » a démontré une nouvelle fois quel artiste extraordinaire était Gregory Kunde, son art de la déclamation, son impressionnante maîtrise de la ligne vocale et de l'extension des registres n'ayant que peu d'équivalents.
Le bonheur se poursuivait avec le duo du premier acte de La Forza del destino où Kunde, éblouissant, a détaillé chaque événement, chaque étape avec un sens dramatique unique, elle hésitant entre l’obéissance et le désir d'une autre vie, deux voix verdiennes irrésistibles.
En bis, rien de moins que la reprise intégrale du « Teco io sto », plus habité encore, plus vibrant, plus électrique que le premier. Somptueux moment de musique.
François Lesueur
(1) Francesco Meli était originellement annoncé
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 23 juin 2018
Photo © DR
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