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Macbeth de Verdi à Liège – Echec et mat – Compte-rendu

D’emblée, la mise en scène de Macbeth par Stefano Mazzonis di Pralafera (le directeur de l’Opéra Royal de Wallonie, qui dédie cette production à la mémoire des victimes de l’attentat du 29 mai dernier à Liège) affiche la couleur. Un immense jeu d’échecs sur lequel les pièces se déplacent en des effets de miroir laisse deviner la stratégie de chaque protagoniste. Très chargés, le décor de Jean-Guy Lecat et les costumes de Fernand Ruiz donnent un caractère baroque à l’ensemble, et le bal à la Cour de Macbeth se déroule sur une table de banquet descendue des cintres et couverte de victuailles. La chorégraphie de Rachael Mossom, sans surprise, permet d’entendre dans son intégralité le ballet composé par Verdi, épisode qui ne brille pas non plus par son originalité.

Après une période de chauffe un peu vibrée, Leo Nucci (photo) prouve qu’à 78 ans il reste une bête de scène. Si le timbre ensoleillé de baryton a perdu un peu de sa superbe, le chant continue d’offrir un exemple de phrasé, de velouté, avec un sens inouï de l’incarnation du drame vécu par le roi assassin pris dans les rais de la fatalité. La reprise du final de la version d’origine de 1847 le met particulièrement en valeur. Seul sur scène (alors que la version de Paris de 1865 comporte pour conclure un chœur musicalement plus convenu), il succombe à ses blessures en acteur shakespearien.

Tatiana Serjan © Opera Royal de Wallonie

Voix puissante, la Russe Tatiana Serjan investit complètement le personnage de Lady Macbeth dont elle s’est fait une spécialité à travers le monde. Rien n’échappe à sa vindicte ni à son goût abusif du pouvoir et sa prestation flamboyante ne craint rien, pas même le contre-ré qu’elle projette avec aisance. Giacomo Prestia possède le grave de bronze de Banco et sa stature en impose, tandis que le Macduff de Gabriele Mangione, franc du collier mais sans brillant, manque quelque peu de nuances. Seconds rôles comme souvent à Liège bien distribués, telle Alexise Yerna en servante de Lady Macbeth ou Papuna Tchuradze en Malcolm. Mobile, la troupe des sorcières, toutes voiles dehors, crée une animation durant le sabbat qui tranche avec le côté statique des chœurs pourtant homogènes et bien préparés par Pierre Iodice.

Baguette aguerrie, Paolo Arrivabeni (qui fut en poste à l’Opéra Royal de Wallonie de 2008 à 2017) prend l’ouvrage à bras-le-corps avec une énergie qui sait se discipliner dans l’accompagnement expérimenté des voix. Familier du répertoire verdien, l’Orchestre de l’Opéra Royal de Liège-Wallonie ne ménage pas son engagement au risque parfois de décalages avec le plateau ou de légers incidents de parcours pour les cuivres. Leo Nucci, en star rayonnante, reçoit du public une longue ovation affectueuse et bien méritée qu’il partage avec ses partenaires.

Michel Le Naour

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Verdi : Macbeth - Opéra Royal Wallonie, Liège, 20 juin 2018 ; prochaines représentations le 26 juin 2018 // https://www.operaliege.be/en/show/macbeth/

Photo © Opera Royal de Wallonie-Liège

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