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Macbeth au Théâtre des Champs-Elysées – Aseptisé – Compte-rendu

Réputé inmontable, le Macbeth de Shakespeare a vu les plus grands se casser les dents ou décliner l'offre. Plus fréquent à l'opéra, celui de Verdi n'en est pas moins difficile. Les sorcières battant sabbat, leurs maléfiques prophéties menant le héros au meurtre et à la folie, la compagne toxique ivre de pouvoir, elle aussi rattrapée par la démence, le peuple écrasé puis enfin libéré, présentent à ceux qui s'y confrontent bien des pièges. A Paris Vitez, Pizzi, Phyllida Llyod et plus récemment Tcherniakov à la Bastille s'y sont risqués avec des bonheurs divers et l'on ne pouvait que se réjouir de voir Mario Martone s’atteler à une nouvelle production. Homme de théâtre et de cinéma – son dernier long-métrage consacré à Leopardi est encore sur les écrans – l’Italien (qui avait signé un Falstaff remarqué sur la scène du TCE en 2008), également scénographe, nous plonge dans les ténèbres, symboles des âmes torturées du couple maudit, dont chaque exaction obéit à une décision aussi noire qu'irrévocable.

 

 © Vincent Pontet

Plateau résolument dénudé, délimité par quelques rares encadrements de portes, trois trônes métalliques, une couronne, réveillés par l'apparition de vrais chevaux et d'une belle forêt stylisée, projections vidéo aussi inutiles qu'imparfaites techniquement donnent le ton. Dans ce décor désolé et froid où s’agitent à plusieurs reprises des sorcières barbues, les interprètes ont peu à faire, tour à tour statiques ou saisis de convulsions, contraints comme Lady Macbeth de mimer la folie telle une patiente de Charcot (alors qu'elle souffre de somnambulisme !), ou pire encore, de « calmer » les exaltations de son mari en dansant avec lui quelque valse quand autour d'eux la révolte gronde... Après les ors clinquants et le ring incliné sur lequel se débattaient en vain les amants diaboliques chez Llyod et l'appartement de dictateurs observé par des caméras indiscrètes de Tcherniakov (un fameux concept tout de même) nous espérions renouer avec les visions crépusculaires et inquiétantes de Vitez (Garnier 1984-1985) ou de Pizzi (mémorable au Châtelet en 1981) : nous n'avons hérité que d'une lecture distante et aseptisée.

Ne blâmons pas Daniele Gatti et l’Orchestre National de s'être mis au diapason et d'avoir respecté cette imagerie morbide, mais ce parti pris n'est pas sans conséquence sur un résultat musical qui manque de ressort et de ce qui caractérise la création verdienne de cette époque : l’énergie.
Dans une forme vocale éclatante, Roberto Frontali perpétue la grande tradition des Macbeth italiens des Cappuccilli, Nucci, Bruson et Zancanaro. Plus convaincant que dans Rigoletto, le baryton traduit avec justesse le délabrement mental du personnage, d'une voix puissante et parfaitement contrôlée.
Susanna Branchini est sans aucun doute une fort jolie femme, mais la cantatrice ne possède en aucun cas la voix de ce rôle impossible. Du « Vieni t'affretta » au Somnambulisme, ses moyens sont limités dans le grave comme dans l'aigu, entachés de plus par un chant maniéré et appuyé qui l'amène à se réfugier constamment dans le murmure, sans doute pour imiter Shirley Verrett sans en avoir ni l'intelligence, ni l'engagement.
Le Macduff lyrique et solaire, doté d'une legato exemplaire, de Jean-François Borras mérite tous les éloges, éloges également réservés à l'élégant Banco de Andrea Mastroni. Chœur de Radio France impeccable et comprimari de choix ; Sophie Pondjicllis (Dame d'honneur), Jérémy Duffau (Malcom) et Patrick Ivorra (Le médecin) complètent cette distribution.
 
François Lesueur
 
Verdi : Macbeth – Paris, Théâtre des Champs Elysées, 7 mai 2015

Photo © Vincent Pontet

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