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Lionel Bringuier, Gautier Capuçon et le Philharmonique de Radio France - Poésie racée - Compte-rendu

Depuis sa victoire en 2005 au Concours de Besançon, Lionel Bringuier (né en 1986) porte haut les couleurs de la France à l’étranger. Outre sa résidence au Los Angeles Philharmonic depuis 2006, il est a été directeur musical de l’Orquesta Sinfonica de Castilla y Leon de 2009 à 2012 et vient de quitter ce poste pour prendre la succession de David Zinman à la Tonhalle de Zurich. Un passage de relai à suivre avec attention compte tenu de la métamorphose accomplie par la phalange suisse sous la conduite du maestro américain… et du talent du talent du jeune chef qui la prend en main !

Autant d’occupations qui rendent Lionel Bringuier relativement rare à Paris. Il est toutefois revenu assez régulièrement pour diriger le Philharmonique de Radio France et c’est à la tête de cette formation que le public de Pleyel l’a retrouvé dans un original programme français.

Créé le 11 août 1999 sur le parvis de la cathédrale de Reims pendant l’éclipse qui, souvenez-vous, avait mis tant d’esprits en émoi, le poème symphonique Eclipse d’Eric Tanguy, montre un chef tout aussi maître de l’opulence d’un ouvrage contrasté que parfaitement conscient des limites de la piégeuse acoustique de Pleyel qui a vite fait de transformer un forte en parpaing. Tout au long des cinq sections de la pièce, Bringuier soigne les timbres avec une remarquable lisibilité en prenant garde à ne jamais durcir le son.

Rejoint par Gautier Capuçon, il se lance ensuite dans le Concerto pour violoncelle la mineur de Saint-Saëns. Dire que des imbéciles ont pu taxer cet auteur de sec et académique…, se dit-on en savourant une interprétation qui fait honneur à un coloriste fabuleux, à un maître orchestrateur. Au violoncelle, comme au pupitre on soigne le détail, la nuance dans une conception d’esprit assez chambriste (vrai rêve éveillé que le mouvement lent), anti-spectaculaire en tout cas. Le moment du bis est l’occasion pour le soliste de s’allier à la harpe de Nicolas Tulliez dans l’inoxydable Cygne du Carnaval des animaux. La postérité se montre d’une cruelle injustice, en France en tout cas, envers la musique d’Albert Roussel dont même une œuvre célèbre telle que la 3ème Symphonie n’est que rarement programmée.

Et pourtant, un grand cycle Roussel serait, pour une formation parisienne, une belle occasion de faire la différence – rêvons un instant… Avec quel bonheur retrouvait-on l’Opus 42 sous la baguette de Bringuier. Facile de jouer la carte de l’effet dans cette œuvre au souffle puissant. Le jeune maestro s’en garde bien : direction féline, précise – pas un instant de répit pour les instrumentistes ; l’exemple de Salonen a été mûrement médité… - ; Bringuier trouve le point d’équilibre entre les envolées orgiaques et les aspects lyriques de l’ouvrage et signe une version très personnelle, d’une poésie racée. La formule vaut aussi pour La Valse de Ravel qui, sous le masque de l’élégance, de la beauté du galbe, chemine, insidieusement, vers sa cataclysmique conclusion.

Alain Cochard

Paris, Salle Pleyel, 11 janvier 2013 (concert diffusé en direct sur France Musique).

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Photo : DR
 

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