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Les Vêpres siciliennes en version de concert au TCE - Gran Torino aux Champs-Elysées - Compte-rendu


En mars dernier, le Teatro Regio di Torino présentait courageusement une nouvelle production d'I Vespri siciliani de Verdi dirigée par Gianandrea Noseda, avec dans les rôles principaux, Sondra Radvanovsky et Gregory Kunde. Egalement exhumé à Genève ce mois-ci, cet opéra mal connu de Verdi, créé avec succès à Paris en 1855 dans sa version française, a rarement été monté dans la capitale (la dernière production parisienne date de juillet 2003, avec Conlon, Serban et déjà Sondra Radvanovsky), ce qui explique l'empressement avec lequel le public a répondu à cette proposition.

Les larges extraits de cet ouvrage étaient précédés par les Quatre Pièces sacrées, ultimes pages achevées par Verdi entre 1889 et 1897. Si elles furent exécutées pour la première fois pendant la semaine sainte de 1898 à l'Opéra de Paris, le maître de Bussetto ne les avait conçues ni pour être liées entre elles, ni pour être jouées en public. A la tête d'un Orchestre du Regio de Turin, à la fois engagé et recueilli, Gianandrea Noseda (photo) a su traduire avec puissance et fermeté la sensibilité aux textes et aux rituels religieux manifestée au soir de sa vie par le compositeur, pourtant connu pour son agnosticisme et son anticléricalisme. Par-delà la prouesse technique de l'écriture, savante et épurée, la lecture de Noseda a su exacerber le sentiment de compassion qui domine la seconde partie du « Stabat Mater » et faire ressortir l'extrême modernité de cette partition. Les accents destinées à glorifier le Seigneur dans toute sa majesté dans les dernières strophes du « Te Deum » soutenues par un chœur homogène, ont ajouté à l'intensité générale de cette première partie de concert.

Changement de registre avec les Vêpres siciliennes, écrites par Verdi dans la foulée de sa trilogie Rigoletto/Traviata/Trovatore. Après une ouverture jouée avec une saine nervosité, Michele Pertusi interprétait le célèbre air de Procida « O tu Palermo », usant d'un beau legato et d'un élégant phrasé, cependant desservis, comme toujours chez ce baryton-basse, par un volume insuffisant et un grave inconsistant.

L'arrivée de Gregory Kunde – injustement ignoré à Paris – n'a pas tardé à soulever l'enthousiasme, le ténor conférant au personnage du preux Arrigo un sens de la couleur, une expressivité et une vigoureuse puissance vocale dans « Giorno di pianto ». Plus loin son extraordinaire technique lui a permis de résoudre chaque difficulté de ce rôle redoutable et d'atteindre victorieusement en voix de tête, le contre-ré qui conclut le court duo avec Elena « La brezza aleggia intorno ».

Voix opulente et coffre imposant, Sondra Radvanovsky s'est d'abord fourvoyée dans le boléro d'Elena « Mercé dilette amiche » exécuté sans la moindre légèreté, et sans mi bémol, les dents serrées lui interdisant de vocaliser avec l'ardeur et la volubilité nécessaires, avant de s'affirmer en véritable spinto dans la grande scène finale, entourée par un Kunde royal et d'un Pertusi (Monforte et Procida) inaudible, accompagnés par l'orchestre survolté de Noseda, qui face aux acclamations du public a proposé de bisser le terzetto « M'ingannasti, o traditrice » jusqu'à l'embrasement final.

Magistral !

Verdi : Les Vêpres siciliennes – Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 25 mai 2011


François Lesueur

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Photo : DR

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