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Les Révélations Classiques de l’Adami 2014 au Festival de Prades – Le 3 août de Cattlar ou la fête des talents – Compte-rendu

adami lauréats prades  2014

Une fois de plus le public a répondu nombreux pour assister au concert des Révélations Classiques de l’Adami que le Festival Pablo Casals accueille de façon désormais rituelle, le 3 août dans la belle église du village de Cattlar. C’est là que beaucoup de mélomanes avaient découvert en 2011 une certaine Sabine Devieilhe… Une fois de plus, Sonia Nigoghossian et Françoise Pétro, les directrices artistiques de l’Adami, ont su réunir un groupe de chanteurs et d’instrumentistes (quatre de chaque comme toujours) qui montre l’enthousiasme et le niveau étonnant de la nouvelle génération.

Jeu très lisible et bien timbré, jubilatoire mais sans précipitation : Eloïse Bella Kohn (piano) ouvre de la plus belle façon la fête des talents avec le Prélude de la Suite anglaise BWV 807 de Bach, avant d’aborder deux préludes de Debussy. Tendre simplicité de La fille aux cheveux de lin, tempête intérieure parfaitement comprise et vécue de Ce qu’a vu le vent d’ouest : un remarquable tempérament poétique s’exprime là.

Depuis un beau Don Giovanni mis en scène par Vincent Vittoz en 2012 à Bastia, où nous avions découvert le ténor en Don Ottavio , Enguerrand de Hys a mûri sa personnalité et gagné en assurance. Il reste d’abord fidèle à Mozart et à ce rôle avec un "Il mio tesoro" d’une expression aussi noble qu’intense, avant de changer totalement de registre. L’air de Griolet "Un tailleur amoureux" (La Fille du Tambour Major) dévoile une autre facette de sa personnalité. Drôlerie, piquant, tendresse : l’opérette et l’opéra-comique réservent à l’évidence de beaux emplois - et succès ! - à un artiste à la diction impeccable.

La musique est affaire de famille chez les Pascal. Fils de Denis, pianiste, Aurélien Pascal est un violoncelliste dont on va assurément beaucoup parler dans un proche avenir. La Fantaisie sur une chanson russe de David Popper n’est sans doute pas la pièce la plus impérissable du répertoire et, justement, la manière dont l’interprète est capable de la transcender en dit long sur ses aptitudes. Variété expressive, projection et parfaite malléabilité du son sur tout le registre dynamique : voilà un musicien à suivre de près ! Ce que confirme la Valse sentimentale de Tchaïkovski, d’une tenue et d’un chic parfaits.

Affaire de famille que la musique chez les Khourdoian aussi. Après sa sœur Satenik, violoniste et Révélation Adami 2009, la soprano Armelle Khourdoian donne la mesure de son talent dans la sélection de cette année. La chanteuse bénéficie d’une déjà belle expérience de la scène ; elle est membre de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris et la tournée d’un programme Rameau avec Les Folies françoises ces derniers temps a mis ses qualités en lumière. Le "Durch Zärtlichekeit und Schmeicheln" de L’Enlèvement au Sérail souligne sa présence, son élégance, son sens du style. On n’y résiste pas plus qu’à un éblouissant "Je suis Titania la blonde" (Mignon) où la pyrotechnie vocale ne s’exerce pas au détriment du timbre et de la diction.

Les amoureux des vents savent gré aux Révélations Adami d’avoir fait place au basson cette année. Lomic Lamouroux est un beau représentant de cette école française admirée dans le monde entier. L’Andante moderato tiré des Trois pièces op. 34 de Koechlin souligne les qualités lyriques et le sens de la nuance d’un instrumentiste à l’émission toujours impeccablement centrée. L’interprète convainc autant dans la savoureuse Sonatine-tango de Pierre-Max Dubois où un dialogue idéalement complice se noue avec le piano d’Emmanuel Normand (formidable accompagnateur de l’ensemble du concert).

"A quoi bon l’économie", s’exclame Anas Seguin en attaquant le fameux air de Lescaut tiré de la Manon de Massenet. Du tempérament, le jeune baryton en a à revendre ! L’auditoire est bluffé par la présence rayonnante de ce jeune chanteur bourré de talent, qui capte immédiatement l’attention par la luminosité de son timbre et la qualité de sa diction. S’il est encore étudiant dans la classe de Malcolm Walker au CNSMD de Paris, il possède déjà une solide expérience scénique comme l’atteste un réjouissant "Largo al factotum" rossinien. Pas d’inquiétude sur l’avenir d’Anas Seguin mais… avec tant de facilités dans l’aigu, ce n’est peut-être pas dans sa tessiture actuelle qu’il fera carrière… Qu’importe, on tient là une authentique révélation !

Les habitués du Festival de Pâques de Deauville ont depuis plusieurs années déjà remarqué le talent peu commun d’Adrien Boisseau, l’un des meilleurs représentants d’une splendide nouvelle génération d’altistes. Né en 1991, il a toute sa place parmi les Révélations 2014. Ample lyrisme, couleurs subtilement nuancées : les Deux Pièces (Pensiero et Allegro appassionato) de Frank Bridge laissent ses qualités poétiques s’épanouir pleinement. Conclusion sous le signe de la virtuosité avec le Moto perpetuo de Paganini, assumé avec une scotchante maestria !

A l’instar des autres chanteurs de la sélection 2014 de l’Adami, la mezzo-soprano Héloïse Mas peut se targuer d’un riche début de carrière (elle a par exemple chanté Sœur Mathilde dans Dialogues des Carmélites à Lyon en 2013 et Lazuli dans L’Etoile de Chabrier à Montpellier en 2014). Quelle présence ! On ne résiste pas un instant à son "Parto ma tu ben mio" (La Clémence de Titus) servi avec un timbre riche et un contagieux feu intérieur. Quant à l’air de Carmen "Les tringles des sistres tintaient", la flamboyante mezzo y rafle la mise avec une profonde sensualité. Vivement une Carmen complète !

Alain Cochard

Cattlar, église, 3 août 2014

Photo © Philippe Biancotto / De g à dr. : rang arrière : Adrien Boisseau, Aurélien Pascal, Anas Seguin, Héloïse Mas, Loic Lamouroux ; au centre : Armelle Khourdoian, Eloïse Bella Kohn, Enguerrand de Hys
 
Biographies des artistes : www.adami.fr/talents-adami/revelations-classiques.html

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