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Les Noces de Figaro selon Lotte de Beer en ouverture du Festival d’Aix-en-Provence – Pénis partout !

Ouverture masquée, avec pass sanitaire mais à jauge pleine, au théâtre de l’Archevêché en ce 30 juin. Au programme, les Noces de Figaro dans une mise en scène joyeusement décapante et engagée de Lotte de Beer avec Julie Fuchs rayonnante pour incarner Suzanne. Mozart a dû se réjouir …
 
Lotte de Beer, ouvre sa note d’intention publiée dans le programme en confiant que  les Noces sont «une étude sur la manière dont les humains gèrent leur rapport au pouvoir et au sexe.» Et elle ne se prive pas de mettre son propos en lumière à force de mains du comte portées aux fesses et aux seins de Suzanne, de pénis couillus déambulant en sautillant sur le plateau, de sexes finalement échangés pour un final sous un psychédélique arbre érectile où l’égalité entre les un(e)s et les autres est appelée à rétablir la liberté d’aimer sans être contraint, surtout pas par le pouvoir. Une vraie folle journée, quoi ! Pour le Festival d’Aix-en-Provence, la metteuse en scène signe un travail en deux parties : une première, souvent désopilante, qui puise ses ressorts dans la commedia dell arte (c’est annoncé par une superbe pantomime au cours de l’ouverture) et une seconde, plus grave et plus sombre, qui conduit au dénouement évoqué plus haut. Une lecture engagée, un humour certain pour gommer quelques gags de plus ou moins bon goût, et un regard qui a le mérite d’exister sur cette société du temps de #metoo, de ses outrances, de ses errances, de ses crimes.
 

Pour servir l’une des plus belles partitions de Mozart, et l’une des plus riche sur le plan psychologique, le casting réuni par Pierre Audi a fort bien réussi son œuvre. À commencer par un duo tricolore triomphant formé par Julie Fuchs et Léa Desandre. La première donne ses traits et sa voix à une Suzanne qui demeurera comme l’une des meilleures, scéniquement et vocalement, qu’il nous ait été donné d’entendre. Le charme et l’espièglerie de la jeunesse associés à une maturité féminine affirmée, font d’elle l’incarnation idéale de l’héroïne mozartienne. Et lorsqu’à l’omniprésence scénique talentueuse viennent s’ajouter des qualités vocales indéniables, souplesse, rectitude, couleurs, suavité, que demander de plus ? De A à Z, Julie Fuchs mène la danse et traverse l’opéra sur un petit nuage de bonheur.

Quant à Léa Desandre, en adolescent rappeur presque boutonneux pressé –  et en même temps terrifié – de découvrir le corps des femmes, elle incarne un Chérubin de haute volée, livrant sa partie vocale avec délicatesse et sensualité à l’inverse de la monumentale érection dont l’affuble la mise en scène au moment où il se retrouve dans l’intimité de la comtesse pour laquelle il nourrit quelques sentiments. Comtesse incarnée par Jacquelyn Wagner qui se montrera plus convaincante vocalement en deuxième partie alors que la première sera marquée, scéniquement par ses tentatives de suicide désopilantes.

© Jean-Louis Fernandez

Côté masculin, l’Almaviva de Gyula Orendt est convaincant, suffisamment odieux sans tomber dans l’excès et vocalement rigoureux, avec une belle projection et une puissance maîtrisée. Quant au Figaro d’André Schuen, il est, lui aussi, vocalement séduisant et scéniquement aux ordres de la metteuse en scène qui ne le place pas au premier plan. Les comprimari Monica Bacelli, Maurizio Muraro, Emiliano Gonzalez Toro et Leonardo Galeazzi sont tous à l’excellent niveau de la production, notre petit crush de ce soir de première allant vers la Barberine d’Elisabeth Boudreault… 
La prestation du chœur du conservatoire de Marseille bien préparé par Anne Perissé dit Prechacq a été appréciée, tout comme l’ont été les couleurs et le son « d’époque » du Balthasar Neumann Ensemble, sous la direction inspirée de Thomas Hengelbrock. Après deux ans, ou presque, de silence, cette production festivalière a été accueillie avec chaleur par le public de l’Archevêché. Un succès qui en appelle d’autres ...
 
Michel Egéa

Mozart : Les Noces de Figaro – Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, 30 juin 2021 ; prochaines représentations les 2, 5, 7, 9, 12, 14 & 16 juillet 2021 (21h 30). En direct sur France Musique le 5 juillet à 21h 30 et en léger différé sur Arte et Arte Concert le 9 juillet à 22h 30. festival-aix.com
 
Photo © Jean-Louis Fernandez

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