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Les Noces de Figaro au Festival d’Aix-en-Provence - Mozart chez Sacha Guitry  - Compte rendu

Le public a l’air content. Que voulez-vous, les portes claquent : un vaudeville c’est un vaudeville ! Quelle découverte… Beaumarchais dans son Mariage de Figaro comme Mozart et son complice Da Ponte dans l’opéra qu’ils en ont tiré ont montré qu’ils savaient trousser un vaudeville : le b.a.-ba de leur métier. Mais pour eux, à l’inverse de Richard Brunel, metteur en scène des nouvelles Noces de Figaro aixoises, c’était un moyen, pas une fin. Décidément, il semble que le chef-d’œuvre de Mozart n’ait pas de chance cet été dans le Midi, de Montpellier à Aix…

De quoi se plaint-on ? Mozart a été modernisé, habillé comme vous et moi, le Comte promu grand avocat d’affaire – ça ne vous rappelle rien ? – Figaro bureaucrate et j’en passe, à commencer par ce charmant braque de Weimar qu’on mobilise quand on ne sait pas quoi faire... Encore un de ces metteurs en scène venus du théâtre qui s’imaginent qu’il suffit d’actualiser la situation pour trouver la clef du mystère : ce serait trop facile. Armé de sa seule vision d’homme de théâtre, il s’est dit qu’il lui suffisait de remonter les ressorts du bon vieux vaudeville pour être quitte.

De fait, il réussit quelques jolies prouesses de jeu théâtral, sa principale réussite concernant le personnage de Chérubin parfaitement croqué, dévoré même par son personnage au point d’être totalement déconcentré dans son chant d’une platitude obligée. Richard Brunel n’est pas le premier ni le dernier à oublier qu’un chanteur est un comédien qui doit respecter les impératifs physiologiques et mentaux d’un chanteur. Bref, il a mis en scène le texte de Da Ponte, mais oublié la partition qui en dit infiniment plus !

Ce faisant, il a refusé de tenir compte de l’essentiel, à savoir que c’est la première fois à l’opéra qu’un sujet politique contemporain est porté à la scène. Le fait que le roi Louis XVI à Paris ait interdit la pièce de Beaumarchais et qu’à Vienne son beau-frère l’empereur Joseph II, pourtant étiqueté grand libéral, l’ait imité aurait dû lui mettre la puce à l’oreille et l’inciter à s’intéresser tout de même un minimum à Mozart et pas seulement au livret que lui a fourni Da Ponte, sur ordre de l’empereur afin de désamorcer la bombe politique et sociale qui faisait fantasmer Wolfgang.

Nous aurions échappé à ce monde de bisounours où tout le monde il est gentil : car ça n’est pas le cas figurez-vous. Et si vous ne me croyez pas, écoutez donc la musique toute seule ! Vous comprendrez alors pourquoi, furieuse, la noblesse viennoise s’est vengée en ostracisant Mozart qui perdit ses élèves et ses commandes jusqu’à en mourir prématurément. Mais on ne peut pas tout savoir, surtout quand on a le regard fixé sur le guidon du livret ! Cela donne des résultats déments comme ce dernier acte d’anthologie de ce qu’il ne faut pas faire, réduit à un ballet d’éléments scéniques soudain saisis par une danse de Saint Guy qui brouille encore plus les cartes, des personnages sortant ainsi d’un cabinet volant où ils n’étaient jamais entrés ! On ne peut pas réussir Une Nuit à l’Opéra tous les soirs. Et encore les Marx Brothers étaient trois…  

C’est hélas la musique qui en pâtit : les chanteurs réussissent ce qu’on leur demande, c’est à dire de jouer les mots du livret et les portes claquent. C’est un peu court et même l’orchestre de Jérémie Rhorer ne sort pas indemne du naufrage. Les chanteurs n’étant pas aidés, il est difficile de se faire une idée de leurs capacités réelles. Je vous épargnerai leurs noms à l’exception du Figaro du baryton américain Kyle Ketelsen et de sa Susanne Patricia Petibon qui en fait des tonnes et confond allégrement comique et vulgarité… comme on le lui a demandé.

Jacques Doucelin

Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, 5 juillet ; prochaines représentations les 9, 10, 12, 14, 17, 20, 23, 25 juillet 2012

Retransmis en direct sur Arte et Radio classique le 12 juillet à 21h30.

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Photo : Pascal Victor / Artcomart
 

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