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Les Larmes du couteau et Alexandre Bis au Conservatoire de Lyon - Un Martinu méconnu

Jolie idée que le doublé Martinu proposé par les élèves du Conservatoire National de Lyon : on apprendra ainsi beaucoup sur les tentations surréalistes éprouvées dans le Paris de l’entre-deux guerres par le compositeur tchèque. L’opéra en un acte Les Larmes du couteau renseigne sur un Martinu radicalement différent, l’expérimentateur des années vingt, celui qui ne méprisait pas encore l’Avant-Garde de son époque et qui osait mettre en musique une pièce manifeste de Dada, signée par l’impayable Georges Ribemont-Dessaignes. L’argument délirant et macabre (une jeune fille tombe amoureuse d’un pendu, elle se suicide pour le ramener à la vie) est comme à contrario d’une musique largement envahie par le jazz et les danses de salon (mais avec l’œil de Stravinski dessus, et l’inévitable accordéon de Paname), qui se moque de toute sentimentalité.

La nostalgie de ce premier essai surréaliste poursuivit longtemps Martinu, puisqu’en 1936 il demanda à André Wurmser, pour une hypothétique création lors de l’Exposition Universelle, de lui trousser un livret où un chat chanterait (clin d’œil à L’Enfant et les Sortilèges ?). Wurmser lui rétorqua qu’il n’avait pas le chat sous la main, mais un tableau à l’huile chantant dans son cadre doré, oui. Martinu s’enthousiasma pour ce qui allait devenir Alexandre Bis. Comédie du couple où les moralités abondent pour mieux se dégonfler, pochade sans arrière-pensée, satire du mariage, Alexandre Bis est tout cela avec une pointe de surréalisme en plus et comme une prémonition, dix ans avant et le transformisme en moins, des Mamelles de Tirésias. La musique ironiquement néoclassique du compositeur laisse s’aligner, impassibles, les situations burlesques et briller un comique souvent désopilant.

On espère beaucoup de la mise en scène de Jean-Daniel Senesi, qui avait surpris par l’excellence de son Consul, et l’on suivra avec émotion le travail des étudiants et de l’Atelier XX-21 sous la baguette de Fabrice Pierre.

Jean-Charles Hoffelé

Bohuslav Martinu : Les Larmes du couteau, Alexandre Bis – Lyon, Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse, Salle Varèse, les 20, 21, 22 et 23 janvier 2010. Rens. : www.cnsmd-lyon.fr/e.php?lsd=9&tc=5&lang= / Soirée du 21 janvier au profit de la Fondation Raoul Follereau

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Photo : DR
 

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