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Les impressionnistes au Festival de Vauvenargues 2025 – Cezanne aurait aimé - Compte rendu

 

 

 
Debussy, Déodat de Séverac, Ravel, Britten et une perle musicale signée Marina Dranishnikova : après avoir visité l’exposition « Cezanne au Jas de Bouffan » le concert très impressionniste proposé par le Festival de Vauvernargues « Ugarit-en-Provence » dans la cour du musée Granet, à Aix-en-Provence, s’imposait. Un programme concocté par le violoniste Bilal Alnemr, directeur musical de la jeune manifestation qui, après avoir accueilli Claire Désert la veille, avait invité le hautboïste Gabriel Pidoux, le violoncelliste Luc Dedreuil-Monet et le pianiste Jorge González Buajasán.
 
La Sonate pour violon et piano de Debussy ouvrait la soirée. D’entrée de jeu, Bilal Alnemr et Jorge González Buajasán tissaient le fil rouge de l’impressionnisme qui allait relier les œuvres du programme. Une partition tout en nuances, tantôt tendre, tantôt puissante, voire violente, la dernière composition d’un Debussy malade qui, dans ce chant du cygne, utilise toutes les subtilités de la palette chromatique dont le duo s’est emparé avec bonheur. A un étage d’écart avec celles de Cezanne, les Baigneuses au soleil de Déodat de Séverac, sous les doigts de Jorge González Buajasán, ont donné vie aux clapotis reflétant la lumière de l’astre du jour sur fond bleu ultramarin. C’était avant de rafraichissants Jeux d’eau de Ravel.

 

Jorge González Buajasán & Gabriel Pidoux © C. Doutre
 
 
Rupture à la russe

 
Un découverte et une œuvre plutôt rare allaient suivre : le Poème pour hautbois et piano (1953) de Marina Dranishnikova (1929-1994) et les Six Métamorphoses d’après Ovide de Britten. Gabriel Pidoux ayant eu la bonne idée de présenter les deux œuvres avant de la jouer, l’audition n’en a été que plus intéressante. De Marina Dranishnikova, nous n’en saurons pas plus sinon que sa pièce a été écrite à la suite de sa rupture avec un hautboïste de l’Orchestre de Leningrad. Gabriel Pidoux, idéalement accompagné par Jorge González Buajasán, a procuré une grande émotion à cette musique. De la virtuosité, mais aussi de la sensibilité dans un jeu qui a su colorer l’interprétation de belles nuances romantiques slaves. Quant aux Métamorphoses de Britten (1951), l’une des premières œuvres composées pour hautbois solo dans l’histoire de la musique, ce sont six petits bijoux qui furent délicieusement ciselés par Gabriel Pidoux. Pour conclure la soirée, le Trio avec piano (1914) de Maurice Ravel était offert à l’assistance par Bilal Alnemr, Luc Dedreuil-Monet et Jorge González Buajasán (photo), avec les couleurs délicatement tristes d'une œuvre écrite à l'orée de la Grande Guerre, mais aussi les bribes de lumière pour s’accrocher à la vie …

 
Un festival pour une terre d’accueil
 
Le Festival de Vauvenargues « Ugarit en Provence » est né de la volonté de Bilal Alnemr de remercier le village du pays d’Aix-en-Provence qui l’a accueilli lui, adolescent de 14 ans, puis six ans plus tard sa famille, réfugiés syriens. Découvert à Damas, à l’occasion d’une audition, par Sophie Baduel et Michel Mabire, violonistes enseignants au conservatoire d’Aix-en-Provence, le jeune musicien, encouragé par ses parents, est arrivé en France afin de poursuivre ses études à Aix-en-Provence, tout d’abord, puis à Paris au CNSMD et à Berlin à la Barenboïm-Saïd Akademie. Il a été membre du Divan Orchestra et se produit aujourd’hui en soliste sur les grandes scènes internationales.
« En 2022, nous dit-il, j’ai proposé au maire d’organiser un concert et des animations musicales. En deux jours, 1200 personnes sont venues. Alors nous avons commencé à réfléchir à l’organisation d’un festival. Nous avons fait un break d’une année avant de composer un programme et lancer véritablement la manifestation. » Quant au nom « Ugarit-en-Provence » : « Il a été choisi pour rappeler que ce port sur la Méditerranée, à dix kilomètres au nord de Lataquié en Syrie, est l’un des berceaux de la musique occidentale avec la découverte au cours de fouilles archéologiques des Chants hourrites, 36 plaques d’argile gravées avec l’écriture cunéiforme qui se sont avérées être pour moitié le texte d’un poème et pour l’autre des notes de musique l’accompagnant. »
Cette année quatre concerts et diverses animations ont marqué la deuxième édition. Quant à Vauvenargues, rappelons que ce village situé au pied du versant nord de la montagne Sainte-Victoire compte un millier d’habitants et que son château, propriété des héritiers de Picasso, abrite la tombe du peintre et ne se visite pas !
 
Michel Egéa
 

Aix-en-Provence, Patio du Musée Granet, 22 juillet 2025
 
 
Photo © Caroline Doutre
 

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