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Les Contes d’Hoffmann au Grand Théâtre de Dijon – Un pari audacieux – Compte-rendu

Inachevés par Offenbach, Les Contes d’Hoffmann se prêtent à des modifications et à des coupures, voire des arrangements, une expérience dans laquelle cette production de l’Opéra de Dijon s’est engagée non sans radicalité. A partir de l’édition établie par Choudens en 1907 (qui a droit de cité sur toutes les scènes internationales) et de celle pour chant et piano de Raoul Gunsbourg de 1904, Fabien Touchard a procédé à un travail de décantation et de compression avec une orchestration réduite (un piano et dix instrumentistes, cordes et vents).
 
Le résultat sur le plan musical procure beaucoup de satisfactions malgré la disparition de certaines scènes. L’essentiel demeure pourtant : le prologue et les trois actes joués d’une seule traite respectent peu ou prou les intentions du compositeur dans un esprit cependant plus prosaïque que fantastique. En outre, le texte édulcoré obère quelque peu le rythme des phrases souvent écourtées lors des dialogues ou des interventions parlées. Les citations décalées d’Ingmar Bergman, Michel Houellebecq ou encore de Friedrich Nietzsche n’apportent rien à la compréhension de l’action.

© Gilles Abegg - Opéra de Dijon
 
La mise en scène et la dramaturgie de Mikaël Serre se veulent iconoclastes et frappent les imaginations sans aucun temps mort avec la présence de flippers, de kalachnikovs, de projections vidéo où la diva Stella est interviewée à plusieurs reprises et signe des autographes. Une actualisation parfois outrée mais qui fonctionne sur le plan de la direction d’acteurs tout en négligeant certains aspects au moment de l’acte de Venise, si peu vénitien quand arrive la célèbre Barcarolle.
 
Les voix se montrent toutes à la hauteur de l’enjeu. Au premier rang, il convient de louer la prestation de Kévin Amiel dont l’identification à Hoffmann est parfaite tant sur le plan théâtral que vocal. Toujours impliqué (et il n’y a guère de moments de repos pour son personnage durant l’heure trente de spectacle), il ne se ménage guère et traverse l’ouvrage sans faillir avec un timbre chaleureux, émouvant et une diction digne de tous les éloges. Samantha Louis-Jean interprète Stella puis les trois autres rôles féminins, Olympia/Antonia/Giulietta, avec une aisance et une capacité à se lover dans des registres différents avec des aigus solaires, un medium équilibré et des graves profonds. A la fois Lindorf/Coppélius/Le Docteur Miracle/Dapertutto, le baryton-basse Damien Pass impose un style irréprochable malgré un léger accent, et Marie Kalinine, excellente actrice, offre un Nicklausse vif, une Muse poétique et une Mère d’Antonia persuasive.
Rôles secondaires bien tenus par des solistes du Chœur de l’Opéra de Dijon parmi lesquels Rafael Galaz en Crespel, Jonas Yajure en Hermann, Jean-Christophe Sandmeier en Spalanzani, Alessandro Baudino tout à la fois Cochenille et Pitichinaccio ou encore Zacharia El Bahri en Maître Luther et Schlemil.
 
Nicolas Chesneau, pianiste et chef d’une formation réduite mais remarquable d’homogénéité, donne vie au spectacle par la qualité d’une direction claire et empathique. Dommage que les musiciens aient été placés au fond du plateau derrière un voile, ce qui profite au chant au détriment de la projection sonore. Reste que l’aventure de ces Contes méritait d’être vécue.
 
Michel Le Naour

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 Offenbach : Les Contes d’Hoffmann - Dijon, Grand Théâtre, 22 décembre 2017

Photo © Gilles Abegg - Opéra de Dijon

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