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Leonard SLATKIN, Khatia BUNIATISHVILI et l’Orchestre national de Lyon – Vitaminé – Compte-rendu

Leonard Slatkin

Revigorante séance que ce programme proposé par l’infatigable Leonard Slatkin (photo) avec l’Orchestre National de Lyon, qu’il dirige depuis 2011, et dont on sait depuis peu qu’il en demeurera le directeur musical honoraire à partir de septembre 2017, conjointement à l’arrivée d’un nouveau chef en titre, prévue pour 2018. Qu’on imagine : voilà de la musique qui gambade, claque et virevolte frénétiquement dans cette suite de huit scènes intitulée Billy the Kid, que le très oublié chez nous Aaron Copland écrivit en 1938 pour la compagnie The Ballet Caravan.

Pétillante, parfois déchaînée, elle a dû permettre aux danseurs de s’en donner à cœur joie, et malgré sa fin funeste – la mort de Billy, bandit bien aimé –, elle n’engendre pas la mélancolie. Vrai condensé de mélodies et de chansons issues d’un Far West mythique, reprises par l’art savant, elle offre un brillant témoignage de patrimoine musical américain émergeant entre jazz et country, et culmine sur une large évocation des immensités nord américaines, presque comme Dvorak.
Slatkin, natif de Californie, met tout son punch à cette évocation de la Grande Prairie, tout droit sortie de Fenimore Cooper, et l’Orchestre de Lyon, habitué à la battue énergique de son chef, enfourche le mustang comme dans un rodéo.

Khatia Buniatishvili © Aline Paley
 
Quoi de plus vitaminé encore, toujours dans cette éclatante mouvance américaine, que la traîne de Khatia Buniatishvili, balayant de son glamour et de sa folle virtuosité l’estrade lyonnaise pour une Rhapsodie in blue qui est un hommage à la joie de vivre, toute en nuances fines et en éclats endiablés. Espièglement, comme dans un grand jeu, elle y déroulait les facettes multiples de la musique syncopée, humoristique ou rêveuse du délicieux Gershwin, lui-même au clavier lors de la création de 1924. Rhapsode encore, la soliste se lançant dans un bis lisztien effréné, atteignant à la sonorité du célesta, voire du xylophone – le piano s’y prête fort bien – avec la 2e Rhapsodie hongroise revue à coup d’accélérateur par Horowitz, qui trouvait sans doute que ce n’était pas assez difficile.
 
La réceptivité à vif, le public a pu ensuite se laisser conduire dans l’univers torturé, à l’indicible beauté, de la Symphonie Fantastique, un des chefs-d’œuvre préférés de Slatkin, qui rendait ici un magnifique hommage au coup de génie, sans doute jamais égalé, d’un Berlioz de vingt-sept ans. Survitaminé, robuste, on l’a dit, l’Orchestre de Lyon manque peut être un peu du charme languide, de la poésie suspendue que requiert l’onirique premier mouvement, musique perdue au sein de l’univers romantique et intime du poète. En revanche, transcendé par la pulsion de son chef, il a battu le Bal avec une folie ravageuse, et surtout dessiné les contrastes de la Scène aux champs avec une tendresse bucolique. Avant de clore en apocalypse, sur la Marche au Supplice et le Songe d’une nuit de Sabbat. Au large dans leur jeu et dans leur bel auditorium.
 
Jacqueline Thuilleux

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 Lyon, Auditorium, le 12 février 2017.

Photo © Steve J. Sherman

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