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L’Elixir d’amour à l’Opéra Bastille – Jouissif – Compte-rendu
Il est des productions inusables, et c’est le cas de cet Elixir d’Amour mis en scène par Laurent Pelly en 2006, que l’Opéra reprend pour la cinquième fois. La musique y coule comme une source claire, la joie y règne, les roucoulades n’ont rien de mièvre, et tout y demeure de bon goût, avec cette élégance dans le rire qui habite l’époque romantique. Grâce que Pelly, parfois plus appuyé, a su admirablement respecter, tout en transposant dans une Italie à la Vittorio de Sica cette bluette paysanne. L’œuvre est de 1832, toute en pleins et déliés, et faite pour des gosiers fluides. Une vingtaine d’années plus tard, la tonalité changera avec le génial Offenbach, qui offrira aux consommateurs du Second Empire des saynètes autrement plus triviales, dont ils feront leurs choux (gras).
Pas une ride donc, pour ce florilège vocal, fusant entre des bottes de foin, que contournent de bons vieux vélos. Différences de statut social, faux médecins (de Dulcamara, on pense au Docteur Doxey de Lucky Luke) armée tontonnante, légèreté féminine, rien de tous ces sujets n’est traité sérieusement, juste effleuré du bout d’une vocalise, et notamment le fameux philtre, thème dont le XIXe siècle ne se lassera pas. Là il s’agit d’une bouteille de Bordeaux, mais Auber a déjà composé un opéra en 1831 sur le même sujet - les deux œuvres obtenant de tels succès qu’un pastiche les mêlera toutes deux à Saint-Pétersbourg, en 1836. Près de trente ans plus tard s’imposera le philtre wagnérien, devenu une drogue dure.
Il est rare de sentir un public roucouler d’aise autant que lors de la première de cette reprise bienvenue : la mise en scène de Pelly a toujours bénéficié de distributions brillantes, dont notamment Anna Netrebko, celle du jour est du meilleur cru, avec un Roberto Alagna puissant et bien dosé, même si la voix se durcit par moments, et une drôlerie à la Boujenah dans ce rôle de pataud charmant. Eblouissant aussi, le Dulcamara d’Ambrogio Maestri, personnage ravageur qui dévore la scène et auquel le public a fait un triomphe, enfin délicieuse apparition en Giannetta de la jeune Mélissa Petit dont on a savouré la voix aussi charnue que claire. Composition plus retenue du bon baryton Mario Cassi en Belcore.
Mais la plus pure beauté, la finesse, la justesse, sont venues d’Aleksandra Kurzak, Polonaise rompue au bel canto : sa fraîcheur, le velouté de sa voix limpide et délicatement musicale en font une des plus belles interprètes du moment pour ce répertoire romantique. On suit sa carrière avec le plus grand intérêt, notamment en Lucia di Lammermoor, en se demandant quand elle abordera davantage Bellini, dont elle a le phrasé mélancolique.
Tout ce joli monde cornaqué par un Donato Renzetti à son affaire, malgré quelques petits décalages, sûrement réglés au fil des représentations, et soutenu par un chœur tout en légèreté. Jouissif.
Jacqueline Thuilleux
Donizetti : L’Elisir d’amore - Opéra Bastille, 2 novembre, prochaines représentations les 5, 8, 11, 14, 18, 21 & 25 novembre 2015.
http://www.concertclassic.com/concert/lelisir-damore-de-donizetti-par-laurent-pelly
Photo © Vincent Pontet / Opéra national de Paris
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