Journal

Le West-Eastern Divan Orchestra à Pleyel  - La paix héroïque selon Barenboim - Compte-rendu


Les hasards du calendrier politique international transforment parfois un concert prévu de longue date en événement symbolique. Ainsi de celui donné à Pleyel par Daniel Barenboim avec son West-Eastern Divan Orchestra le 21 mai, jour même de la rencontre entre Obama et Netanyahou. Depuis 1999, le chef israélien y démontre les vertus civilisatrices de la musique dite classique. Il réunit, en effet, dans sa phalange des musiciens des pays du pourtour méditerranéen, d’Espagne, d’Italie, de Turquie, de France, d’Egypte, du Maroc, d’Algérie, du Liban comme d’Israël ou de Palestine. Autrement dit le melting pot des cultures de la Méditerranée du Nord et du Sud.

Il a suffi d’entendre l’Adagio rescapé du projet de 10ème Symphonie de Mahler comme l’épopée universelle de l’Héroïque de Beethoven pour prendre conscience que les différences dues à l’histoire et à la géographie pèsent bien peu dans un projet artistique mené dans l’enthousiasme. C’est ce qui a déclenché l’ovation du public qui salua vigoureusement l’effacement des frontières à l’issue de la soirée. Car ce qui frappe d’abord, c’est qu’au terme d’une décennie de travail en commun un véritable orchestre s’est constitué en entité, en unité des âmes qui transcende les origines diverses.

Rien n’est plus difficile à restituer que le trouble et la révolte contre son sort d’un Gustav Mahler dans les toutes dernières années de sa vie : tout était là grâce à l’intelligence et à la persuasion du chef. Quant à la 3ème Symphonie de Beethoven à des années lumière des préoccupations musicologiques des « baroqueux », elle a fait coup double restituant à la fois l’urgence révolutionnaire qui frappa le public de la création et faisant comprendre que les peuples où qu’ils soient sur la planète, et d’abord ceux qui ont amorcé le printemps arabe, ressentent de la même façon que les Européens du XIXe siècle le manque de liberté. C’est par ce jeu de miroir que Daniel Barenboim fait œuvre de paix entre des jeunes de bonne volonté.

Jacques Doucelin

Paris, Salle Pleyel, 21 mai 2011

(Concert retransmis par France Musique le 8 juin à 9h05)

> Programme détaillé et réservations de la Salle Pleyel

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Jacques Doucelin

Photo : Maxi Failla

Partager par emailImprimer

Derniers articles