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Le Trio Messiaen au Festival Radio France Montpellier Occitanie – Poètes en trio – Compte-rendu

Emanation de l’Ensemble Messiaen, fondé en 2014 par David Petrlik (violon, photo à dr.), Volodia Van Keulen (violoncelle, photo au centre), Théo Fouchenneret (piano, photo à g.) et Raphaël Sévère, clarinette, le Trio Messiaen, réunion des trois premiers, était l’invité du Festival Radio France dans la série, toujours très suivie, des concerts gratuits de midi à la salle Pasteur. Une occasion qui aura permis à une large partie du public de découvrir l’une de plus belles formations chambristes françaises de la nouvelle génération – son existence s'avère d’autant plus précieuse que les trios avec piano constitués, à la différence des quatuors à cordes, ne sont pas légion.

Energico e con fuoco : pas d’erreur sur les qualificatifs que Mendelssohn accole à l’Allegro introductif de son 2ème Trio en ut mineur. Indication de caractère plus que de tempo : les jeunes musiciens ne pressent pas inutilement celui-ci et la respiration qu’ils préservent de ce fait ne souligne que mieux le feu intérieur de leur propos, porté par un piano d’une densité de son et d’une fluidité admirables, toujours attentif à l’équilibre avec les deux archets. Des qualités que, après un tendre et effusif Andante, l’on retrouve dans le Scherzo, vraie musique de fées vécue avec tout l’émerveillement requis, et un Allegro appassionato dont le souffle n’altère jamais le galbe de la phrase.

En avril 2018, le Concours de Musique de Chambre de Lyon avait porté chance au Trio Messiaen qui, outre le 1er Prix, y avait raflé cinq autre récompenses, dont le Prix du Public et celui pour la meilleure interprétation de la commande du concours : le Witch Trio de Franck Krawczyk (né en 1969). A Montpellier, les instrumentistes reviennent à cette pièce (d’une dizaine de minute et d’un seul tenant – où les sorcières n’ont, à vrai dire, rien de bien effrayant), en offrant une lecture fouillée et pleine de contrastes.

C’est à la capacité de donner un parfum de nouveauté aux partitions les plus connues que l’on juge de l’inventivité des interprètes. Le Trio Messiaen en manifeste une, très grande, dans le fameux Trio « Dumky » de Dvorak, ouvrage rebattu dans lequel il nous réserve un moment rare. On éprouve encore en écrivant ces lignes la sensation produite par l’extraordinaire fusion des timbres qui s’est produite dans la section Poco Adagio ... Loin de prendre prétexte de l’influence populaire pour livrer une exécution spectaculaire et un peu débraillée, comme c’est souvent le cas dans l’Opus 90, les musiciens privilégient une approche très décantée, d’un naturel et d’une fluidité parfaits, qui laisse dans son sillage un envoûtant parfum de musique, fruit de la plus parfaite entente. Elle s’illustre une dernière fois lors du bis : l’Andantino du Trio op. 120 de Fauré, tout à fois sensible et hors du monde. Magique !

Alain Cochard

Montpellier, Le Corum/ Salle Pasteur, 25 juillet 2019

Photo © Tomy Henrion

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