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Le Postillon de Lonjumeau selon Michel Fau à l’Opéra-Comique – Plaisir pur – Compte-rendu

Le revoilà ! Créé en 1836 à l’Opéra-Comique (alors installé depuis 1832 au théâtre des Nouveautés, place de la Bourse), le Postillon de Lonjumeau d’Adolphe Adam (1803-1856) connut un immense succès durant tout le XIXe siècle (569 représentations au total), avant de disparaître de l’affiche de l’établissement en 1894. On guettait avec impatience le retour de cette partition, fameuse pour les contre-ré du rôle principal (qui expliquent en grande partie l’extrême discrétion de l’ouvrage sur les scènes). Sans l’homme de la situation, inutile de s’aventurer dans une nouvelle production du Postillon. Cet homme, le Comique le possédait en la personne de Michael Spyres (photo), chanteur hors-normes avec lequel l’institution du boulevard des Italiens et son public ont noué des relations privilégiées. L’occasion était trop belle et Olivier Mantei a mille fois eu raison de remettre au goût du jour l’un des titres qui ont fait l’histoire de la maison qu’il dirige.
Franck Leguérinel ( Le marquis de Corcy) & Florie Valiquette (Madame de Latour) © Stefan Brion
 
XVIIIe siècle de Louis le Quinzième fantasmé par le public de la Monarchie de Juillet ; le Postillon a trouvé en Michel Fau le metteur en scène capable d’en traduire la joyeuse humeur de la plus irrésistible façon, d’autant qu’il s’agit ici aussi de jouer de la mise en abyme à laquelle procède le livret – une histoire d’opéra à l’opéra.
Le chœur introductif du I prend la forme d’un pièce montée : comme une invite à se tailler une grande et savoureuse part de gâteau ; tout n’est que plaisir ici, plaisir qui sait jouer de l’esprit de la musique avec un imaginaire visuel coloré, acidulé. Entouré d’Emmanuel Charles aux décors et Christian Lacroix, dans ses très grands jours !, aux costumes, M. Fau a pu donner toute liberté à son inspiration au fil d’un spectacle foisonnant d’idées et remarquablement dirigé, qu’il s’agisse de la régie ou de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen (coproducteur du spectacle).
A la tête des musiciens normands, Sébastien Rouland manifeste un authentique amour d’une composition qu’il mène avec une prestesse, un élan (jamais débraillé) et une attention au plateau de chaque instant.
 
Michael Spyres (Saint-Phar) & Florie Valiquette (Madame de Latour)

Et quel plateau le Comique a-t-il su réunir ! En Chapelou/Saint-Phar, Michael Spyres enthousiasme une fois plus par l’étendue et la malléabilité de son instrument et l’intelligence qu'il met dans la performance vocale pour composer un personnage drôle et attachant – ce dans un français remarquable. La confirmation, s’il en avait été besoin, de l’immense talent d’un vrai artiste. Quant au rôle de Madeleine/Madame de Latour, il révèle une soprano encore méconnue du public français. Québécoise, Florie Valiquette aborde son rôle d’une voix riche et lumineuse ; un peu sur la réserve en début de spectacle lors de la première, elle s’épanouit au fil des Actes II et III, avec un charme et un aplomb vocal doublés d’une grande présence scénique. Franck Leguérinel trouve chez le marquis de Corcy la matière d’un de ces rôles de composition où il excelle, sachant jouer avec art – et sans rien d’outrancier – du caractère tout à la fois stupide et méchant du chasseur de voix envoyé par le Roi. Admirable ! Laurent Kubla campe un parfait Biju/Alcindor, tandis que dans le rôle parlé de Rose, Michel Fau se livre à un impayable numéro de travestissement pour incarner la fidèle complice de l’héroïne. Côté chœur, Accentus, préparé par Christophe Grapperon, ne mérite qu’éloges.
Retour gagnant donc pour le Postillon de Lonjumeau. Encore cinq dates pour découvrir un spectacle comme on n’en voit pas tous les jours ; ne le manquez pas !
 
Alain Cochard

Adam : Le Postillon de Longjumeau – Paris, Opéra-Comique, 30 mars ; prochaines représentations les 1er, 5, 5, 7 et 9 avril 2019 // http://www.concertclassic.com/concert/le-postillon-de-lonjumeau
 
Photo © Stefan Brion
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