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Le « L.A. Dance Project 3 » au Châtelet – Quelques nuances d’ennui – Compte-rendu

Voilà bien l’oxygène de Benjamin Millepied, depuis que les lourdes responsabilités de sa charge de directeur de la danse à l’Opéra de Paris l’ont auréolé d’une gloire sans doute fatigante. Loin des conflits de l’ancien et du moderne, ce franco-américain fonctionne comme au Nouveau Monde, et défriche, en s’entourant d’une petite équipe convaincue du bien fondé de la démarche. Il est donc là, en chorégraphe bien sûr mais aussi en aventurier, et  cherche des frères d’exploration.
 
Son L.A. Project, fondé en 2012, l’éloignait donc de la sacramentelle compagnie du New York City Ballet, dont il fut l’une des belles étoiles. Le résultat déçoit, car l’inconnu est un monde difficile : les deux premières pièces présentées dans ce court programme (en fait 65 minutes de mouvements) se déroulent dans la pénombre, voire la nuit, ce qui demande des actions et surtout des lignes fortes pour émerger.
Et ce n’est pas le cas : Harbor me du très prisé Sidi Larbi Cherkaoui, témoigne certes de l’art du glissando et de la sinusoïde qui a fait l’un des succès de ce chorégraphe non négligeable, mais ici, il est trop ambitieux. Trois silhouettes masculines se devinent, censées personnifier les éléments et leur interpénétration. Vaste propos, que l’excellence des interprètes ne laisse guère deviner, à moins d’une conférence préalable.
Gros dégâts avec II Acts for the blind, de l’israélien Roy Assaf, qui tente une satire de la culture médiatique américaine, avec une sorte de podium où des quidam font n’importe quoi, ridicules, brutaux, enfantins, tandis qu’une voix commente leurs « performances ». On a compris le propos contrairement à Cherkaoui, mais on le déplore. Rien n’est pire que le rire qui ne vient pas.
 
Heureusement il y a Hearts and Arrow (photo), la pièce de Millepied, qui lui, sait occuper l’espace, et gérer des structures. Sa troupe danse, vraiment, avec une vigueur que ses dernières créations  à l’Opéra n’ont pas toujours laissé deviner. On sait combien il fut adepte de Cunningham, on le voit plutôt ici dans la lignée de Paul Taylor. La substance en est purement musicale, et comme la pièce se déroule sur des pages de Phil Glass, elle a du rythme, du punch et du chic. D’autant que l’excellente petite compagnie, cinq garçons et trois filles, vole littéralement. On garde Millepied.
 
Jacqueline Thuilleux
 
"L.A. Dance Project 3 " - Paris, Théâtre du Châtelet, 9 avril 2015

Photo © Shanya Batya pour Yatzer

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